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en leur temps, et poursuivant ces réformes avec des intentions justes et prévoyantes à la vérité, mais aussi quelquefois avec la précipitation qui ne laisse point mûrir les choses, avec l’enivrement systématique qui ne sait plus où il faut s’arrêter. Nous saisirons ainsi à leur début quelques difficultés dont aujourd’hui même le gouvernement toscan n’a pas encore triomphé.

Les révolutions qui ne s’accomplissent que par des secousses populaires s’arrêtent ordinairement à la superficie de la société, c’est-à-dire aux institutions politiques apparentes. Il faut qu’elles aient été préparées par une longue élaboration de détail pour pénétrer jusque dans le droit civil, qui lui-même est éminemment le droit politique, puisqu’il est la vraie base des institutions ; alors seulement elles sont profondes, stables et complètes. Les révolutions florentines n’avaient pas eu cette profondeur ; elles n’avaient pas atteint le droit civil, ou du moins elles ne l’avaient pas modifié généralement sur tout le territoire. Il y restait des fiefs très anciens, d’origine impériale allemande, ou même lombarde et salique, modifiés, il est vrai, dans leur caractère primitif par des traités volontaires ou forcés avec les républiques de Florence et de Sienne, mais qui néanmoins conservaient encore dans cet état mixte leurs prérogatives essentielles. En dépit de leurs longues guerres, en dépit des règlemens de 1289, qui avaient dépouillé les nobles de toute juridiction, l’esprit de cet antique régime n’était pas éteint, et à peine la république fut-elle définitivement abolie, que les Médicis devenus souverains, se croyant habiles, s’empressèrent de le réveiller autour d’eux, dans l’espoir de s’en faire un appui. Cosme Ier jugea qu’il « fallait renfermer les bourgeois dans leurs occupations de commerce et attirer à sa cour les seigneurs des autres pays d’Italie, en leur conférant des fiefs. » Plus tard, ses fils étendirent cette faveur aux nobles de Florence et de Sienne, diminuant ainsi leur propre pouvoir pour imposer des oppresseurs à de petits districts. Il y eut donc des fiefs anciens ou impériaux et des fiefs modernes ou grand-ducaux. La Toscane se vit de nouveau couverte d’une cinquantaine de ces suzerainetés dangereuses où le maître, trop rapproché du sujet, est amené presque irrésistiblement à des habitudes vexatoires et tyranniques, et bientôt on les vit d’une part tourmenter les populations vassales, de l’autre entraver sans cesse l’administration supérieure.

Les cantons écartés et montagneux présentèrent souvent des exemples de ces prepotenze dont M. Manzoni a si vivement raconté le drame dans l’un des admirables épisodes des Fiancés. Les feudataires, alliés à toute la noblesse du voisinage et formant caste avec elle, dédaignaient et persiflaient là bourgeoisie. Le peuple, sans recours contre les vexations, reconnaissait par expérience l’impuissance