jusqu’à Guichardin, longue période où les poètes, les historiens, les artistes, les érudits éclipsent, chacun en son temps, tout ce que l’Europe peut présenter d’analogue. Il y a là de quoi déployer, sur les choses et sur les hommes, dans l’ordre politique et dans l’ordre moral, tout ce que l’esprit le mieux nourri peut contenir d’idées, d’expérience et de talent, et nous pourrions peut-être ajouter que l’histoire du moyen âge restera très imparfaite aussi longtemps qu’on n’aura pas montré sous un plus grand jour qu’on n’a fait jusqu’ici la force, les effets immédiats et l’influence prolongée de la précoce émancipation des villes italiennes, et en particulier de celles de la Toscane.
En attendant l’exécution d’une œuvre si digne d’éveiller les meilleures ambitions littéraires, les documens s’assemblent peu à peu. M. Zobi, dans son Histoire civile de la Toscane, a voulu y apporter son contingent de recherches, mais il ne commence qu’au XVIIIe siècle, à l’avènement de la maison de Lorraine ; son histoire forme ainsi la continuation de l’Histoire du Grand-Duché, de Galluzzi. Rédigé sous la forme décousue d’annales, ce livre ne supporte point une lecture suivie ; il nous fatigue souvent de réflexions par trop banales, et lorsqu’il arrive à l’époque contemporaine et aux récens efforts de l’Italie, il exhale un esprit partial, animé d’antipathies qui se conçoivent sans doute dans la chaleur du mouvement et dans l’expectative d’un grand but à atteindre, mais qui conviennent peu à l’historien et qui lui ôtent beaucoup de notre confiance. Cependant, après ces critiques, il faut reconnaître que des points de vue nombreux et intéressans y sont ouverts sur la vie intérieure du pays, sur son régime politique et administratif, surtout dans la période de cinquante ans qui précède la révolution française. Des qualités précieuses et trop rares aujourd’hui, la bonne foi des recherches, le courage de tout dire, le dédain des ménagemens et des réticences, y corrigent d’ailleurs l’âcreté de certaines appréciations qui tiennent au point de vue personnel et aux circonstances du moment. Le défaut même du plan général facilite l’étude des questions spéciales de législation et d’administration, qui sont traitées séparément et exposées en pleine connaissance de cause. Un grand nombre de documens, recueillis pour la première fois dans les archivés de la Toscane, y servent à éclaircir des situations et à prouver des faits qu’on découvre avec surprise à une époque si rapprochée de nous, et auxquels on ne croirait pas sans d’aussi bons témoignages. Nous allons donc y puiser quelques-uns des faits généraux que les princes lorrains trouvèrent devant eux quand ils prirent le gouvernement de la Toscane, et contre lesquels ils luttèrent jusqu’à la fin, contractant ainsi, par nécessité et par habitude, l’esprit de réforme qui les distingua