Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bien loin de démontrer l’infériorité de cette race, les faits nous apprennent qu’elle acquiert rapidement les aptitudes de la souche supérieure, et que parfois elle en présente de nouvelles, et de la nature la plus élevée, qui lui appartiennent en propre. Rien par conséquent ne motive le long cri de détresse arraché à M. de Gobineau par la fusion prochaine des familles humaines.

Ici je suis heureux de me rencontrer avec M. Maury, l’auteur d’un excellent petit livre où l’histoire des races humaines occupe une large place. Le mouvement accéléré qui semble précipiter ces races les unes vers les autres ne pouvait lui échapper ; mais, instruit par une juste appréciation du passé, il ne s’est pas effrayé de ces tendances. L’histoire ethnographique lui montre, à l’origine et à l’âge des peuplades ou des tribus, de petits groupes humains exclusivement chasseurs, pêcheurs, pasteurs, et nomades, ou sédentaires et agriculteurs, employant toute leur intelligence à satisfaire des besoins simples comme leur genre de vie. Tant que l’isolement persiste, il voit ces rudimens de société rester stationnaires, parce que, rien ne révélant à l’homme de nouveaux cercles d’idées, il ne sent en aucune manière la nécessité d’innover. Vienne le contact, vienne le mélange, et plus tard l’union : à l’instant, la scène change. Les nations naissent, la société se complique, de nouveaux besoins surgissent, et en même temps les moyens d’y satisfaire. L’adresse, l’esprit de ruse et de ressource des chasseurs, la hardiesse calme, le génie maritime des pêcheurs, l’esprit contemplatif et réfléchi des pasteurs, l’habileté manuelle, l’instinct commercial des agriculteurs se trouvent en présence et se font de mutuels emprunts. Les causes de travail se multiplient, et l’intelligence, sans cesse sollicitée, s’élève et s’étend, en tous sens. Ainsi se sont formées les civilisations passées, ainsi naîtront les civilisations à venir ; mais celles-ci, héritières de leurs sœurs aînées, se développeront évidemment sur une base plus large et plus haute. Si à certains égards elles restent inférieures à leurs devancières, si elles ne reproduisent pas certaines œuvres merveilleuses de grandeur ou de perfection, si elles n’élèvent pas une autre Babel, ne creusent pas de nouvelles caves d’Ellora, ou ne sculptent plus de Vénus de Milo, que prouvera ce fait, sinon que l’homme ne peut atteindre à la fois à tous les points extrêmes de son horizon ?

La race blanche, incontestablement supérieure à toutes les autres, a bien évidemment reçu une mission providentielle, celle de rapprocher, de mélanger toutes les familles humaines en multipliant leurs rapports. M. Maury pense que l’homme, ainsi placé en face de conditions chaque jour nouvelles, développera toutes ses aptitudes, toutes ses facultés. En ceci encore je partage sa manière de voir.