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la déesse Nerthus et le sanglier de Freya, mais M. de Gobineau assure que ce fut de leur part un acte politique et de pure condescendance pour les instincts inférieurs des races conquises. Enfin, si chez le Germain on immole aussi des hommes, ce n’est plus par suite de croyances religieuses : le prêtre est le vengeur de la société ; il n’y a pas là de sacrifice, mais une punition qui anoblit à la fois la victime et le sacrificateur. — Après ce dernier trait surtout, il me paraît difficile de ne pas reconnaître en M. de Gobineau un juge quelque peu prévenu.

À l’époque de la fondation de Rome, les races européennes s’étaient de plus en plus mélangées, et partout le sang jaune avait exercé sa funeste influence. En Italie, la confusion ethnique était pire encore. Ici, à côté d’aborigènes, presque tous Celtes abâtardis ou Rhasènes à peine mélangés de Slaves, on trouvait des Venètes qui se rattachaient à ce même tronc, des Sicules sortis de la Sicile, des Ibères venus d’Espagne, des Celtibères arrivés par les Gaules, etc. — Vers le Xe siècle avant notre ère, des colonies grecques, déjà fortement sémitisées, s’étaient arrêtées sur les côtes, avaient apporté des élémens nouveaux et accru cette confusion ethnique. Dans le me siècle, les Grecs tyrrhéniens abordèrent à leur tour au milieu de ces populations si mélangées ; mais, plus purs que les précédens, ils renouvelèrent le sang des Rhasènes et jouèrent, sous le nom de Lucumons, un rôle considérable. Bientôt en guerre avec leurs voisins, ils s’agrandirent de plus en plus, et auraient, dit l’auteur, pris la place que tinrent plus tard les Romains, s’ils n’avaient laissé échapper de leur sein un germe fécond qui devait les étouffer. Pour entamer la confédération latine, ils jetèrent sur la rive gauche du Tibre et sur le premier point venu une petite colonie sous les ordres de deux aventuriers. Ceux-ci appelèrent à eux tous les gens sans aveu, qui arrivèrent de toutes parts et de toute race. À ce ramassis de bandits les véritables fondateurs imposèrent une aristocratie tirée de leur sein et un gouvernement calqué sur le leur propre. Tels furent donc les commencemens de Rome, de cette ville qu’attendaient de si grandes destinées, et qui pourtant, si M. de Gobineau est dans le vrai, aurait dû être frappée de dégradation dès son origine par suite de l’hétérogénéité de ses élémens ethniques.

Rome étrusque grandit par des procédés fort analogues à ceux qui lui avaient donné naissance : elle conquit et s’assimila quelques tribus voisines, elle accueillit les vaincus et les fuyards de tout pays, ajoutant ainsi chaque jour à cette confusion de races qui aurait dû la perdre d’après la nouvelle théorie. Et pourtant quel fut le résultat de ces croisemens ? Il en sortit, on le sait, une race rustique, il est vrai, et inférieure en culture intellectuelle à la race étrusque tyrrhénienne, mais pleine d’énergie et de vitalité, amoureuse de la liberté