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qu’il eût montré dans les populations gauloises subjuguées par les Romains les métis dégénérés des premiers Galls : la préexistence d’une race entièrement jaune aurait expliqué à son point de vue cette dégradation ; mais rien dans l’ouvrage ne vient motiver l’opinion exprimée sur la race gallique, considérée en elle-même et abstraction faite de tout mélange. Peut-être, à son insu, M. de Gobineau a-t-il été dominé par une idée qui se développera plus loin. Pour pouvoir rapporter aux seuls Germains toute la civilisation occidentale, pour pouvoir attribuer à ce rameau privilégié de la race blanche tout ce que les temps modernes ont produit de grand, de bon ou de beau, il fallait bien que ses prédécesseurs n’eussent eu que peu ou point de mérites, et cette idée préconçue, dont l’auteur ne s’est certainement pas rendu compte, l’a conduit parfois à peindre sous les couleurs les plus défavorables, lorsqu’il s’agit des Galls, précisément ce qu’il admire et pare des teintes les plus poétiques dès que les Germains sont en scène.

Pour justifier ce reproche, il suffira de signaler la manière dont sont appréciées les religions des deux peuples. Sans doute M. de Gobineau ne peut méconnaître entièrement ce qu’avaient d’élevé et de spiritualiste certains dogmes et certains rites druidiques. Il signale lui-même ce que le corps sacerdotal gallique, voué à la contemplation et à l’étude, façonné aux fatigues et aux austérités, étranger à l’usage des armes et supérieur à la société laïque qu’il est chargé de diriger, offre d’analogies avec les puoritas des premiers Hindous, c’est-à-dire avec les prêtres les plus parfaits des âges passés ; mais en même temps il nous parlé d’un culte morose et chagrin, d’une religion qui repose en entier sur de sombres superstitions et réclame des scènes mystérieuses et tragiques. Il peint des couleurs les plus sombres les sacrifices humains s’accomplissant dans des forêts humides où tombent à peine quelques pâles rayons de lune et renvoyant le Gall hébété d’épouvante. Il reproche amèrement aux druides de ne pas avoir imité les puoritas en publiant leurs dogmes secrets, et les peint s, abrutissant de plus en plus par une ignorance réelle et un charlatanisme coupable.

S’agit-il des Germains ou de leurs descendans, tout s’embellit au contraire, et c’est à peine si le tableau conserve quelques ombres. Les forêts où le fils des Roxolans croit sentir la présence de ses dieux s’éclairent des feux du soleil couchant, et n’ont plus que majesté et grandeur. Ces dieux eux-mêmes se spiritualisent et ne se révèlent qu’à l’imagination. Il est vrai que les Longobards se prosternent devant un serpent d’or, que les Saxons vénèrent le groupe mystérieux formé par le lion, l’aigle et le dragon, mais c’est seulement parce qu’ils croient trouver dans ces objets une émanation de leurs divinités ! Il est vrai encore que les tribus germaniques adoptèrent