Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus abâtardis de tous ces métis ; qui envoyèrent pourtant des colonies jusqu’en Italie et en Espagne, où de nouvelles alliances avec les populations locales les dégradèrent encore. Telle est l’origine attribuée aux Rhasènes ou Étrusques primitifs et aux Ibères. — Je ne dirai rien des premiers : nous en savons vraiment trop peu de chose. Quant aux seconds, j’ai pu les observer dans leurs descendans directs, dans ces Basques, que leurs hautes montagnes ont protégé » contre les invasions de toute nature[1]. Or le portrait qu’en a tracée M. de Gobineau est pour ainsi dire la contre-partie de ce que j’ai vu. Il les représente comme ayant une humeur taciturne, un caractère lourd et rustique, des habitudes sombres : je leur ai trouvé, en-deçà comme au-delà de nos frontières, une humeur profondément gaie, un esprit de repartie remarquable, un talent d’improvisation presque général, des habitudes sociables. En outre, contrairement à toutes les opinions reçues, et bien entendu sans les discuter, l’auteur regarde les Basques actuels comme ayant été produits par la fusion d’une foule de races distinctes qui seraient venues successivement chercher un refuge dans ces régions montagneuses ; en conséquence, il déclare que cette population manque complètement d’homogénéité. C’est précisément le contraire qui m’a vivement frappé. Lorsqu’une solennité quelconque appelait à Saint-Sébastien tous les montagnards des environs, il était impossible de ne pas voir dans cette multitude un peuple de cousins ou de frères.

Aux Ibères et aux Rhasènes vinrent se joindre dans l’ouest de l’Europe les Galls, Gaels, Celtes ou Kymris. Tout en reconnaissant à cette grande race une origine blanche, tout en lui attribuant certaines aptitudes, M. de Gobineau se montre fort sévère à son égard. Entraîné par les faits qu’accumulent la tradition et l’histoire, il retrouve, d’abord en elle les traits physiques et les principaux caractères moraux qu’il a vantés chez les Aryans, les Iraniens, les Hellènes ; il prouve combien les populations gauloises étaient éloignées de l’état sauvage et de la barbarie ; puis, revenant en quelque sorte sur ses pas, il nous montre dans les Celtes une race surtout agricole, industrielle, commerçante, et dont la renommée militaire se fonde uniquement sur quelques invasions qu’effectuèrent presque par nécessité quelques peuplades exilées. En un mot, il fait des Galls un peuple foncièrement utilitaire, accusant une forte immixtion de sang jaune et frappé par conséquent d’un cachet ineffaçable d’infériorité.

Cette conclusion me paraît peu en harmonie non-seulement avec-les faits universellement admis, mais encore avec la donnée fondamentale et la manière habituelle de procéder de l’écrivain. On comprendrait

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes, 15 mars 1850.