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inférieure ; la masse, entraînée en avant par l’impulsion qu’elle reçoit, grandit aussi et s’améliore tout en restant ethniquement la même. Telles sont les conséquences qui ressortent et des faits précis que j’ai déjà exposés et de l’histoire générale, qu’il nous reste à parcourir rapidement.


II

Avant d’aborder ce terrain, je dois faire une observation importante. Le livre que je cherche à faire connaître renferme non-seulement des faits universellement admis, mais encore un grand nombre d’autres, qui sont très discutables. On y trouve surtout, et parfois quand il s’agit des questions les plus fondamentales, des assertions très inattendues, très contraires à toutes les notions généralement acceptées. Assez souvent l’auteur ne prend pas la peine de les étayer, même des plus légères preuves. Cette façon dogmatique de procéder a bien ses avantages ; elle permet plus de rapidité et de concision, mais elle rend l’examen du livre bien plus difficile. Si j’avais à me préoccuper par trop de la vérité historique, j’aurais à rompre presque à chaque page l’enchaînement des faits et des idées ; mais mon but est tout autre. Je désire surtout démontrer combien la doctrine de l’auteur est inexacte, combien peu est fondée la conclusion qu’il tire de l’histoire ethnologique des peuples. En acceptant ses propres données, je lui fais la partie belle, et mes conclusions n’en auront que plus de force. Je ne discuterai donc que rarement les faits, et seulement pour montrer qu’il n’y a rien d’exagéré dans mes observations.

Les races noire et jaune, déclarées d’avance radicalement incapables de s’élever au-dessus de l’état sauvage, devaient peu occuper M. de Gobineau. Aussi se borne-t-il, pour la première, à constater qu’elle était autrefois bien plus répandue que de nos jours. Ici l’on trouve déjà quelques assertions assez hasardées[1] ; mais du moins, dans ce qu’elle a de général, cette opinion s’accorde avec les résultats des dernières investigations ethnographiques. Il n’en est pas de même quand il s’agit de la race jaune. Celle-ci se serait développée en Amérique et aurait peuplé ce continent de multitudes innombrables. Un beau jour, ces masses, traversant le détroit de Behring, auraient débordé sur l’Asie et causé, environ cinquante siècles avant notre ère, le grand ébranlement qui rompit l’équilibre existant jusque-là, et Ouvrit l’ère des grandes migrations et des mélanges. On conviendra qu’une semblable hypothèse était assez étrange pour

  1. M. de Gobineau fait remonter les populations noires primitives jusqu’aux bords de la Mer-Caspienne ; il voit dans les géans et dans les Choréens dont parle la Bible des débris encore purs de cette race. Goliath n’était autre chose qu’un de leurs derniers descendans.