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se sont atténuées ; des qualités nouvelles, jusque-là endormies à l’état de germe, se sont fait jour. Telle est la conclusion qui ressort évidemment des données premières posées dans le livre sur l’Inégalité des races humaines. Pour être en contradiction avec tout le reste de l’ouvrage, elle n’en est pas moins acceptée et même parfois développée par l’écrivain, qu’entraînent alors, sans, qu’il s’en aperçoive, la logique et l’autorité des faits. Citons un exemple de cette contradiction, bien importante à signaler.

D’accord ici avec tout le monde, M. de Gobineau admet que les beaux-arts sont une des plus hautes manifestations de la nature humaine, et que la nation qui en a le sentiment, qui le voit s’étendre et se généraliser chez elle, s’élève et gagne au moins à certains égards. Or, toujours selon lui, l’art relève uniquement de la sensation, et voilà pourquoi le noir, avec son intelligence nulle, mais avec sa très grande puissance sensitive, est l’homme le mieux doué pour l’art ; voilà aussi pourquoi le blanc, très intelligent, mais peu sensitif, n’en a aucun sentiment. Toutefois le noir ne peut arriver au beau, parce que sa faiblesse d’esprit arrête tout essor tant soit peu élevé. Ceci explique comment les populations noires, avec un sentiment si profond de l’art, en sont encore en poésie, en peinture, en musique, en sculpture, aux ébauches que nous connaissons. Vienne le blanc, et de cette union entre l’intelligence et la sensitivité naîtra le sentiment du beau en tout genre, le désir et le pouvoir de le réaliser. Les métis du blanc et du noir pourront seuls produire les chefs-d’œuvre des siècles passés et ceux de l’ère moderne ; seuls, ils pouvaient enfanter la civilisation hellénique et le magnifique développement de l’art grec. Telle est la conclusion de l’auteur lui-même, et nous ne la contesterons pas ; mais nous lui demanderons si cette fois encore le croisement a abaissé la race, et si les Grecs à demi sémilisés de Périclès étaient inférieurs aux Hellènes primitifs, frères supposés des Àryans et des Germains ? Nous sommes certain qu’en dépit de sa théorie il reculerait devant une réponse affirmative.

Ainsi M. de Gobineau reconnaît formellement que le croisement peut avoir parfois une influence heureuse ; mais là pour lui est l’exception, et il ne s’y arrête pas : là au contraire est pour nous la règle. Le croisement entre populations diverses, dans de justes proportions et sous l’empire de conditions convenables, est bien certainement un des moyens les plus efficaces pour relever une race humaine, souvent deux races à la fois, et pour cela il n’est pas nécessaire que le sang régénérateur arrive jusque dans les veines de tout un peuple. L’amélioration s’opère ici par les deux procédés dont nous avons parlé plus haut. Le croisement agit directement sur une partie de la nation