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Telles sont les opinions professées à chaque page du livre, et pourtant, lorsqu’il s’agit d’expliquer l’existence des trois types fondamentaux, c’est précisément à l’action du milieu et des agens physiques seuls que l’auteur a recours. Il est vrai qu’il remonte alors à l’origine des choses et admet d’une part que l’espèce humaine, récemment créée, n’ayant pas encore de caractères bien arrêtés, était par cela même plus aisément impressionnable, — d’autre part, que les actions physiques résultant de cataclysmes encore récens avaient une énergie qu’elles ont perdue depuis. Ces deux hypothèses n’ont rien qui répugne à la raison, elles s’accordent même assez bien avec les résultats les plus récens des études géologiques ; mais l’une ou l’autre conduit-elle à nier d’une manière absolue toute action modificatrice actuelle, imprimée par le milieu, subie par l’homme ? Évidemment non. Les forces physiques, en les supposant amoindries, n’en existent pas moins, et n’ont pas changé de nature ; l’homme est resté le même au fond. Par conséquent, les influences extérieures ont dû conserver encore une certaine puissance, et, venant à s’exercer sur l’homme, elles agiront encore dans une certaine mesure. Les modifications subies par l’être humain seront peut-être moins étendues et se manifesteront plus lentement, mais elles n’en seront pas moins réelles. Telle est la conclusion logique à laquelle conduisent les données mêmes d’où part M. de Gobineau, aussi bien que l’étude attentive de tous les faits recueillis chez les animaux ou chez l’homme sur cette difficile question.

Au reste, cet écrivain semble l’avoir senti lui-même, et, pressé par les faits, il rend hommage à la doctrine tant de fois combattue par lui dans un passage trop significatif pour que je ne le reproduise pas textuellement. « On ne saurait méconnaître que les circonstances locales peuvent au moins favoriser l’intensité plus ou moins grande de certaines nuances de carnation, la tendance à l’obésité, le développement relatif des muscles de la poitrine, l’allongement des membres inférieurs ou des bras, la mesure de la force physique. » Ici M. de Gobineau ne parle pas autrement que nous-même. Si des influences locales, c’est-à-dire des influences de milieu, peuvent rendre des populations entières grasses ou maigres, si elles donnent aux unes des membres longs et grêles, à d’autres des membres courts et gros, si elles élargissent ou rétrécissent la poitrine, si elles rendent héréditaires ces particularités d’organisation, ne créent-elles pas de véritables races ? « Mais il n’y a là rien d’essentiel. » J’ai vainement cherché l’indication précise de ces traits essentiels qui seuls semblent pouvoir, d’après M. de Gobineau, caractériser une race ; je ne l’ai trouvée nulle part. On voit à quelle contradiction s’est laissé entraîner, à quel vague s’est laissé aller