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de la Bretagne et de la Gaule, il avait convoité l’Espagne ; maintenant il voulait être empereur de plein droit, et se voir inscrit dans les fastes consulaires en compagnie des fils de Théodose. La capture de Didyme et de Vérinien le mettait sur la voie d’un arrangement, si Honorius tenait le moins du monde à la vie de ses parens et à l’honneur de sa maison. Résolu à tenter l’aventure, et sans attendre même l’arrivée de son fils et la remise des prisonniers entre ses mains, il avait fait partir secrètement pour Ravenne quelques affidés chargés de sonder Honorius et de lui faire au besoin les propositions suivantes : Constantin s’engageait à lui rendre ses parens sains et saufs immédiatement, et à lui envoyer en Italie une armée gauloise, dont il disposerait pour ses propres besoins, si Honorius le reconnaissait pour empereur légitime et pour frère. Une telle proposition pouvait à bon droit sembler étrange au lendemain de la guerre d’Espagne et de la part d’un homme qui venait d’abaisser, de dépouiller, d’anéantir autant qu’il était en lui la maison de Théodose, et l’on devait penser qu’elle n’obtiendrait rien qu’un refus humiliant ; mais Constantin connaissait Honorius et les affaires de l’Italie. Il savait bien qu’il s’adressait à un homme aux abois, qui s’était perdu à force de perfidie, d’imprévoyance et de lâcheté, à un malheureux capable de tout subir, comme il l’avait été de tout faire. Stilicon, le sauveur de Rome, l’effroi d’Alaric, venait d’être assassiné dans Ravenne par les ordres de l’empereur au mois d’août de cette même année 408 ; l’Italie n’avait plus ni chef ni armée, et bientôt Alaric s’était présenté aux portes de Rome. Constantin vit tout de suite ce que cette situation avait de favorable à son projet, et ses envoyés étaient déjà sur le chemin de Ravenne. Il les avait fait partir à l’insu de Decimus Rusticus, qu’il ne voulait mettre dans la confidence que plus tard, si l’ambassade réussissait ; au moins c’est ce qu’il est permis de supposer d’après les faits de l’histoire. Quant à ces prisonniers, ces gages du succès, ces précieux otages, au moyen desquels il croyait tenir Honorius, il recommanda probablement à son fils d’avoir pour eux dans leur prison tous les ménagemens que leur condition réclamait, et surtout de les bien garder.


AMEDEE THIERRY.