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Voilà ce qu’on répétait de toutes parts. Enfin la haine contre Théodose et sa famille, très vive de ce côté des Alpes, y trouvait aussi de quoi se satisfaire : conquérir l’Espagne, c’était abaisser la patrie de Théodose et briser l’orgueil de sa maison.

Ce grand empereur, comme on sait, était né en Galice d’une famille indigène, qui prétendait remonter à Trajan, et s’étendait en rameaux nombreux sur tout l’occident de l’Espagne. Le pays était donc peuple de parens d’Honorius qui formaient dans l’aristocratie ibérienne une sorte de tribu royale à laquelle tout le monde voulait être affilié de près ou de loin. La constitution de la société espagnole, où la grande propriété existait plus vaste encore qu’en Italie, et presque autant qu’en Afrique, favorisait les prétentions de cette aristocratie, et donnait une base solide à sa puissance. En Galice, en Lusitanie, en Bétique, il n’était pas rare de voir une seule famille posséder la moitié d’une province, avoir assez de cliens pour en former une armée et de revenus pour faire la guerre à ses frais, Dans cette foule de parens plus ou moins directs, mais tous très ardens à soutenir le nom de Théodose, Honorius comptait quatre cousins germains, fils d’un frère de son père : on les appelait Didyme, Vérinien, Lagodius et Théodosiole. À d’immenses propriétés et à une clientèle non moins grande, ils joignaient la fierté de leur sang et la ferme volonté de ne point déchoir. Les deux aînés surtout, Didyme et Vérinien, étaient, connus pour des hommes entreprenans qui tenaient déjà une partie de l’Espagne sous leur influence, et avaient su se rattacher les garnisons romaines, peu nombreuses il est vrai, qui stationnaient dans cette province. Tout cela créait pour l’empereur et pour l’empire gaulois une sorte de nécessité de conquérir l’Espagne, tant pour se fortifier eux-mêmes que pour ravaler Honorius et affaiblir l’Italie.

Au reste, Didyme et Vérinien épargnèrent à Constantin le soin de chercher un prétexte en armant les premiers et en faisant occuper les passages des Pyrénées par leurs cliens : l’empereur gaulois y vit un défi, et se hâta de préparer une expédition, dont il remit le commandement à son fils Constant. C’était pour le césar une excellente occasion d’apprendre la guerre, et Constantin le plaça sous la direction de Gérontius, maître aussi habile que dur et impérieux. Il lui donna pour conseiller dans l’administration civile son préfet du prétoire Apollinaire. Comme on ne doutait point du succès de la campagne, Constant reçut une maison digne d’un césar et un office d’employés et d’agens préposés au gouvernement de l’Espagne ; il emmena même sa femme avec lui. Dès que tout fut prêt, la guerre commença. Les chefs espagnols avaient compté sur la difficulté des passages autant que sur la fidélité de leurs cliens ; mais ces mêmes