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de pierres et ses tours en saillie sur le lit du Rhône : c’était le palais impérial, ouvrage de Constantin, que surmontait une coupole ou trulle, qui lui donna son nom au moyen âge[1]. Des terrasses qui le dominaient, l’œil embrassait au loin la double cité) sa double enceinte de murs crénelés et de tours, et dans la campagne au nord, les files longues et pressées de tombeaux qui composaient comme une troisième cité, la cité des morts, Au centre des habitations, à l’orient du palais, on apercevait le forum quadrangulaire entouré d’arcades et décoré de colonnes et de statues, puis l’église métropolitaine, un des premiers sanctuaires du culte chrétien dans les Gaules, les thermes, le théâtre, et près de l’enceinte méridionale, sur le point culminant du rocher, l’amphithéâtre couronnant la ville comme un diadème. Plus bas, en descendant vers le fleuve, on apercevait le port et ses flottes marchandes, qui venaient échanger les trésors de la Grèce et de l’Asie contre les denrées de l’Occident, puis, aussi loin que la vue pouvait s’étendre, les mille canaux qui sillonnaient la campagne, la fosse de Marins et les étangs où le Rhône se décharge avant d’arriver à la mer.

L’hôte nouveau qui ramenait sous les voûtes du Trulle le nom de Constantin était Gaulois de naissance » et sa famille résidait en Gaule. Elle se composait de deux fils. L’aîné, qui était moine, s’appelait Constant ; l’autre, encore adolescent, se nommait Julien : il semble que cette obscure famille des Gaules, par une sorte d’instinct prophétique, avait pris à tâche de se modeler en tout sur la maison du premier empereur chrétien. On ignore quelles circonstances avaient conduit Constant dans un cloître ; mais il y vivait paisiblement, quand la prodigieuse fortune de son père l’en vint tirer Constantin, qui avait besoin d’un lieutenant et d’un successeur, appela à lui ce fils aîné, lui fit mettre bas le froc, le nomma césar et le maria ; Julien, trop jeune pour figurer encore dans le gouvernement, reçut le titre de nobilissime, suivant l’usage des maisons impériales. Quand il eut ainsi organisé la sienne, Constantin fit appelé tout ce que la Gaule renfermait d’hommes considérables afin de se constituer par leur moyen une administration. Un grand nombre accoururent, principalement des provinces du centre et du sud-est, les uns mus par le désir patriotique d’assister un pouvoir qui avait commencé la délivrance du pays et pouvait seul la mener à bonne fin, d’autres dans une vue plus systématique, celle de fonder, sous un empereur national, un empire gaulois séparé de l’Italie, sans cesser d’être romain, ce qui avait été à toutes les époques le rêve de la Gaule. Je passe

  1. Château de la Trouille. Le palais de Constantin à Byzance, surmonté aussi d’un dôme, portait vulgairement le nom de Trulle. On peut consulter là-dessus le Glossaire de Ducange.