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de rompre la paix, et d’un jour à l’autre les Goths pouvaient être au cœur de l’Italie. Stilicon se soumit à un ordre qui ne souffrait point de réplique ; il ne s’agissait d’ailleurs que d’une très courte expédition, non assurément pour chasser les Alains, les Vandales et les Suèves, Honorius et sa cour ne s’inquiétaient pas de si peu, mais pour fermer au tyran l’accès d’Arles et de la préfecture du prétoire.

Stilicon se mit à l’œuvre, et en quelques jours, grâce à son activité ordinaire, une petite armée d’hommes agiles et déterminés se trouva prête : il l’équipa comme pour une course. Elle se composa principalement des Barbares de la bande de Sâr, chef visigoth qui, après avoir déserté sa nation par suite d’une querelle avec Ataülf, beau-frère d’Alaric, était venu se mettre à la solde d’Honorius. Il servait dans l’armée romaine, avec ses hommes et ses idées à lui, sur un pied d’indépendance presque absolu, prenant à forfait une expédition comme on prend un marché, la menant à sa guise, et figurant sous le drapeau de l’empereur moins en ami de Rome qu’en ennemi des Goths, C’était d’ailleurs un soldat intrépide, doué d’une force et d’une taille de géant, et qui n’avait pas son pareil pour les coups de main. Aussi les généraux romains ne l’employaient guère qu’à cet usage. Stilicon le chargea d’enlever Constantin au moment où celui-ci, dans sa marche sur Arles, traverserait la vallée du Rhône. Sâr accepta la commission, et se fit fort d’amener le tyran mort ou vif aux pieds de l’empereur. Gagnant alors à petit bruit le versant occidental des Alpes et sans rencontrer d’obstacles de la part des montagnards, il se tint blotti avec sa troupe dans une des vallées qui débouchent sur le Rhône, observant ce qui se passait et guettant l’apparition de l’armée gallo-bretonne. Sa marche s’effectua avec tant de promptitude et de secret, que personne en Gaule ne la connut, sauf Liménius et le maître des milices Chariobaude. Quand il fut averti soit par ses éclaireurs, soit par des espions gaulois, que le tyran avait dépassé Lyon et Vienne, puis entrait à Valence, il descendit précipitamment vers le Rhône et alla se poster sur la route au-dessous de cette dernière ville, dans un lieu qui lui parut convenir à une embuscade.

L’armée de Constantin ne tarda pas à se montrer au-delà de Valence. Elle était divisée en deux corps marchant séparément, et que suivait à quelques journées de distance la réserve composée en majeure partie d’auxiliaires germains. Constantin et son quartier-général se trouvaient à la queue du premier corps, commandé par Justinus ; Néviogaste conduisait le second, et la réserve avait à sa tête Gérontius et un général frank nommé Édowig. Ces troupes s’avançaient sans trop de précaution, comme dans un pays dont la population leur était favorable, car Lyon les avait accueillies