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les camps du Rhin et les garnisons du nord des Gaules renfermaient de soldats vigoureux et aguerris en fut retiré et dirigé sur l’Italie ; Stilicon rappela aussi de la Bretagne une des légions qui protégeaient cette île contre les irruptions périodiques des Pictes et des Scots. Tout cela ne se fit point sans récriminations et sans plaintes de la part des provinces gauloises, inquiètes et humiliées ; mais le ministre d’Honorius, tout entier aux entraînemens de sa passion, ne voyait plus rien que sa guerre d’Iluyrie : il lui sembla même que la diminution des forces romaines sur la rive gauche du Rhin allait se trouver plus que compensée sur la rive droite par de nouvelles alliances, formées, sous ses auspices, entre l’empire romain et les deux peuples germains de qui dépendaient surtout la sûreté de la Gaule et la paix de l’Europe occidentale.

Ces deux peuples, qui tenaient la Gaule sous leur main, étaient les Mamans et les Franks, dont les redoutables confédérations avoisinaient le Rhin dans tout son cours : les Alamans, depuis sa sortie des Alpes jusqu’au confluent du Mein ; les Franks, depuis ce point jusqu’à la mer. Ils étaient le grand épouvantail de l’Occident, l’avant-garde de toutes les invasions, les instigateurs de tous les pillages. Les dernières guerres civiles de Rome les ayant introduits dans les affaires intérieures du gouvernement romain, on les avait vus figurer en grand nombre et avec beaucoup d’ardeur sous le drapeau du tyran Eugène, principalement les Franks, qui semblaient partager la haine de leur compatriote Arbogaste contre Théodose. Stilicon lui-même, à son départ d’Italie, n’était point sans inquiétude sur les dispositions de ces peuples turbulens ; mais il fut bientôt rassuré. Non-seulement les Franks et les Alamans mirent à demander le renouvellement de leurs traités d’alliance avec l’empire (traités qui, étant personnels aux empereurs, se renouvelaient à chaque changement de règne) un empressement qu’ils n’avaient jamais montré ; mais la présence de Stilicon parut exciter dans toutes leurs tribus une admiration enthousiaste. Son voyage sur le Rhin ressemblait à une marche triomphale. Le fleuve était couvert de barques d’où partaient des.acclamations et des cris de bienvenue que la rive germanique répétait au loin. Les rois barbares briguaient l’honneur de le saluer à son passage comme des cliens, « Nous avons vu, disait Claudien, le Sicambre, prosterné devant notre général, étaler sur la poudre sa fauve crinière… Ces terribles, qui faisaient métier de nous vendre nos loisirs, et nous marchandaient à prix d’or une paix honteuse, l’attendent de nous maintenant, et nous livrent pour otages leurs enfans. » Ces démonstrations inaccoutumées tournèrent à la gloire personnelle de Stilicon, et servirent à l’aveugler sur les suites heureuses de ce voyage, A en croire ses flatteurs et ses partisans politiques,