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dans mes bras…. Ah ! je pensais à un autre enfant…. Me le promettez-vous ?

— Je vous le jure, dit Mme Rose, qui sanglotait.

Il l’attira vers lui et l’embrassa sur le front.

« À présent, laissez-moi tous, » ajouta-t-il.

Au bout d’une demi-heure, le prêtre se retira. M. de Réthel était tombé dans une sorte d’assoupissement. Quelquefois il prononçait des paroles confuses et sans suite, et agitait ses bras. Quand il ouvrait les yeux, on y voyait le feu de la fièvre mêlé aux ombres de la mort. Mme Rose était agenouillée au pied du lit. Georges se tenait dans un coin, osant à peine respirer. Canada regardait M. de Réthel, dont l’agonie se prolongeait. Vers minuit le comte se dressa tout à coup.

« Canada ! s’écria-t-il, la mort vient, mets-moi debout ! »

Canada obéit sans parler. Le comte resta debout une minute, les yeux tout grands ouverts et le front haut ; puis sa tête s’appesantit, et il s’affaissa lourdement dans les bras de Canada.

Mme Rose se mit à genoux et pria longtemps, le front caché dans les plis du drap. Quand elle se leva, elle tendit la main à Georges.

« Madame de Réthel vous remercie de tout ce que vous avez fait pour celui qui n’est plus. À présent, j’ai besoin d’être seule, » dit-elle.

M. de Francalin resta quelques jours sans revoir Mme Rose, que Mme de Bois-Fleury avait conduite à Beauvais, et dont la santé avait été ébranlée par le spectacle de cette mort violente. Vers la fin du mois, étant à la Maison-Blanche, il reçut une lettre par laquelle Mme de Bois-Fleury le prévenait qu’elle partait pour l’Italie, un changement d’air et un climat plus doux ayant été recommandés à sa compagne. Elle ajoutait en terminant que, si son neveu ne les avait pas oubliées, il les trouverait dans un an à Rome ou à Beauvais.

Au bas de la lettre, il y avait ces deux mots : Au revoir ! écrits de la main de Mme Rose.

Georges porta ces deux mots à ses lèvres avec un élan passionné. Il courut dans sa chambre, et, ouvrant une cassette dans laquelle il avait serré le ruban donné par Canada et le portrait de Mme Rose, il y ajouta la lettre de Mme de Bois-Fleury.

« Un an ! encore un an ! ô mes chers trésors, aidez-moi donc à passer cette année, » dit-il.

Puis, se ravisant tout à coup : « Jacob, s’écria-t-il, vite, préparez mes malles ; demain nous partons pour l’Italie. »

                                                               FIN.