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mains de son mari.

« Si vous m’avez aimée un jour, écoutez-moi, je vous en prie, dit-elle d’une voix suffoquée ; n’y a-t-il rien qui puisse vous arrêter ? n’aurez-vous donc pas pitié de moi ? »

Tous les traits de M. de Réthel se contractèrent.

« Ah ! quelle femme Dieu m’avait donnée ! s’écria-t-il en l’embrassant avec violence.

— Eh bien ! si je tiens quelque place dans votre affection, dans votre estime, prouvez-le moi en restant !… »

En ce moment, neuf heures sonnèrent à une horloge voisine. M. de Réthel boutonna sa redingote par un mouvement fébrile.

« Eh bien ! dit-il, pas plus que vous je ne crois à un résultat sérieux. Je vais tout tenter pour dégager ma parole ; si je réussis, vous ferez de moi ce que vous voudrez.

— Vous me le jurez ?

— Je vous le jure. »

Les amis du comte étaient dans une pièce voisine. Il y passa ; Mme Rose s’assit sur une chaise, la tête entre les mains. Toute sa vie lui revint à l’esprit en quelques minutes. Elle avait lutté ; elle allait vaincre peut-être. C’était une existence toute nouvelle qui allait commencer. Quelques larmes tombèrent de ses yeux.

« Eh bien ! dit-elle en relevant sa tête par un mouvement de fierté, j’aurai fait mon devoir. »

Au bout d’un quart d’heure, étonnée du silence qui régnait partout, elle s’approcha de la porte par laquelle le comte était sorti. Elle prêta l’oreille et n’entendit rien, elle frappa un coup léger, puis deux ; personne ne répondit. Effrayée déjà, Mme Rose poussa la porte. La pièce dans laquelle elle pénétra était vide ; un papier plié en forme de lettre était sur une table. Mme Rose y jeta les yeux et lut son nom. M. de Réthel lui déclarait qu’il était lié par un serment. Une lutte pouvait seule le dégager. S’il en sortait vivant, il jurait de nouveau d’être tout à elle. Il l’engageait, en finissant, à se rendre rue de Clichy où elle serait en sûreté et où Canada lui porterait des nouvelles. L’écriture de cette lettre était rapide et violente comme celle d’un homme pressé. La tête de Mme Rose tomba sur sa poitrine avec accablement. « Ah ! pourquoi l’ai-je quitté ? » dit-elle.

Une porte était dans le coin de cette pièce qui donnait sur un escalier noir. Elle s’y jeta et le descendit rapidement. La rue était déjà toute en rumeur quand elle y parvint. Personne ne put rien lui dire sur la direction qu’avait prise M. de Réthel. Elle se décida alors à obéir à la recommandation de son mari. Rendue rue de Clichy, elle se hâta d’envoyer un exprès à Maisons pour prier M. de Francalin de la joindre au plus vite. Chaque bruit qu’on entendait dans la rue la faisait tressaillir. Elle avait le visage collé aux vitres. Sa