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Bien que la déclaration de la Russie eût été fort pénible au cabinet de Londres, celui-ci y répondit avec modération, et, sans prendre d’engagemens généraux, il protesta de sa ferme intention de respecter le pavillon et le commerce russes. La France et à peu près toutes les puissances continentales y adhérèrent complètement, de sorte que l’on put dès-lors considérer cet acte comme la base fondamentale d’un nouveau droit international plus libéral et plus humain que l’ancien. La déclaration du 28 février 1780 laissait cependant encore plus d’un point indécis : elle consacrait bien la maxime que le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie, mais elle ne disait pas que la marchandise neutre ne serait pas saisie avec le navire ennemi sur lequel elle serait chargée ; cette seconde maxime, au contraire, est formellement reconnue par l’acte du 16 avril 1856, « Le pavillon neutre, y lisons-nous, articles 2 et 3, couvre la marchandise ennemie à l’exception de la contrebande de guerre. La marchandise neutre, à l’exception de la contrebande de guerre, n’est pas saisissable sous pavillon ennemi. » On entend par contrebande de guerre les armes et les munitions propres à la guerre, et, selon les traités particuliers et les opinions des écrivains spéciaux, la nomenclature des objets signalés comme propres à la guerre est restreinte ou étendue. Il semble qu’on ne doive considérer comme tels que les armes et les engins confectionnés, la poudre et les projectiles : c’est l’opinion de M. de Rayneval dans son excellent ouvrage sur la liberté des mers. Valin et Vattel ne pensent pas de même, car ils veulent que l’on regarde comme contrebande de guerre les munitions navales. Or, en poussant jusqu’à leurs dernières conséquences les raisonnemens que l’on peut faire pour autoriser la saisie des matières propres à la construction des vaisseaux, propres eux-mêmes à la guerre, il n’est rien qu’on ne pût saisir : le blé par exemple, parce qu’on en fait du pain pour les soldats ; le drap, parce qu’on leur en fait des habits ; le cuir, parce qu’on leur en fait des souliers, et même le papier, parce qu’on en fait des cartouches. La déclaration de la Russie s’en référait, quant à la fixation des objets de contrebande, à l’énoncé qui se trouve dans son traité de commerce avec la Grande-Bretagne du 20 juin 1766, où ne figurent pas les munitions navales[1] ; enfin elle établissait pour les blocus la même doctrine que le quatrième et dernier article de la déclaration du 16 avril 1856, article dont voici la teneur : « Les blocus, pour être obligatoires, doivent être effectifs, c’est-à-dire maintenus par une force suffisante pour interdire réellement l’accès du littoral à l’ennemi. »

  1. Les objets énoncés sont les munitions de guerre, canons, mortiers, armes a feu, pistolets, tombes, boulets, balles, fusils, pierres à feu, mèches, poudre, salpêtre, soufre, cuirasses, piques, épées, ceinturons, gibernes, selles et brides.