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d’énormes marmites en fer : nous les utiliserons pour faire la soupe dans les ambulances. Ces ressources, réparties avec sagesse, seront un immense bienfait, et dans un mois, si le beau temps continue, les camps, où règne une incroyable activité, seront complètement transformés.

« 2° Des vêtemens. — La capote criméenne a rendu les plus grands services ; il est urgent d’en pourvoir tous les soldats. Ils ont toutefois eu le tort de la porter pendant l’été, au lieu de la réserver pour les mauvais jours d’hiver. Cet abus les rend impressionnables au froid, et les livre désarmés à l’influence des intempéries. — La ceinture de flanelle est indispensable pour prévenir et arrêter les diarrhées si fréquentes et qui dégénèrent si facilement en dyssenteries ou autres maladies souvent très graves. Elle doit être appliquée directement sur l’abdomen. Les vieux soldats expérimentés en font usage, mais il n’est pas aisé de la faire porter aux recrues. J’appelle sur cette infraction toute la vigilance des chefs de corps et des médecins de régiment.

« On distribue aux soldats pour l’hiver une deuxième demi-couverture, afin de compléter la demi-couverture laissée à leur disposition l’été. Cette demi-couverture charge beaucoup le soldat en route. Dès qu’elle est mouillée, ce qui arrive aux premières pluies, elle ne se sèche pour ainsi dire plus de tout l’hiver. J’ai la conviction qu’elle serait avantageusement remplacée par une chemise de laine rouge comme en portent les Anglais. La chemise de flanelle entretient une chaleur douce et uniforme ; Il en faudrait deux par homme à 4 fr. l’une, total 8 fr., à peu près le prix d’une demi-couverture. L’homme serait moins chargé, il aurait constamment sur la peau un vêtement chaud et sec parfaitement hygiénique. Ces chemises de flanelle devraient être d’un usage général dans nos infirmeries et ambulances : elles préviendraient et guériraient bien des maladies.

« Les sabots, que le soldat met en rentrant pour quitter ses souliers mouillés, sont indispensables dans ce pays, où la terre se détrempe à dès profondeurs considérables. L’hiver dernier, des hommes dont la chaussure est restée congelée pendant plusieurs jours n’auraient pu sortir, s’ils n’eussent eu des sabots. Les chaussons sont bien utiles ; ils ne sont pas seulement le complément indispensable de la chaussure en bois, ils ont en outre le précieux avantage, pendant la nuit, de préserver les pieds du froid et de prévenir les congélations. Il serait peut-être difficile d’en pourvoir toute l’armée, mais M. le général Bazaine m’a assuré que dans chaque compagnie on trouverait facilement des soldats qui en tricoteraient pour leurs camarades, moyennant un léger salaire. Du reste, avec une de ces ingénieuses mécaniques dont on a vu des modèles à l’exposition universelle, on n’en manquerait jamais.

« 3° Nourriture. — On ne saurait trop louer l’intendance militaire pour avoir si heureusement résolu le difficile problème de faire vivre l’armée à huit cents lieues de la France. À aucune autre époque de notre histoire militaire, les distributions journalières de vivres n’ont été faites avec une plus grande régularité. Elles n’ont pas manqué un seul jour ; la rotation entre le pain frais et le biscuit d’une part, entre le café, le vin et l’eau-de-vie d’autre part, et en troisième lieu entre la viande fraîche, la viande conservée et le lard, a facilité les approvisionnemens, rompu l’uniformité de l’alimentation, et profité à la santé générale.