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conditions parfaites de salubrité. Malheureusement il n’y a plus un seul arbre : les ressources de la forêt souterraine, c’est-à-dire les racines des arbres coupés il y a un an, vont manquer ; le défrichement est presque partout terminé. Il ne faut pas songer à faire ici des huttes, mais à installer simplement des tentes. Quand le sol est calcaire, on creuse une plate-forme circulaire profonde de 80 centimètres où la tente est établie. On fait à l’entour une large rigole pour l’écoulement des eaux pluviales ; les pierres extraite » servent à bâtir en dehors un mur circulaire haut de 60 centimètres, de sorte que le soldat, quand il est couché ; se trouve parfaitement abrité du vent et de la neige. Cet abri serait complet, si on y installait une cheminée comme dans la tente de l’officier. Si le sol n’est pas calcaire, l’installation marche plus vite, mais elle est moins bonne ; les terres disposées circulairement en forme de parapet au dehors de la tente ne valent pas le mur de pierres sèches, et la rigole, dans ce cas, doit être pavée, pour empêcher l’infiltration des eaux dans l’intérieur de la tente. Il est urgent de procurer aux hommes, pour les préserver du contact immédiat du sol, soit une peau de mouton, soit un plancher (des planches de caisses à biscuit suffiraient), soit une simple toile cirée qu’on pourrait convertir en manteau, forme roulière, pour les jours de pluie.

« La tente-abri est tout à fait insuffisante pour l’hivernage ; elle est d’ailleurs trop courte, et laisse passer les pieds des hommes ; on la remplace avantageusement par la tente conique, modèle turc, de toutes les tentes la plus chaude et la plus solide contre les coups de vent. Les tentes doivent toujours être assez espacées pour qu’on puisse, quand le temps le permet, les changer de place tous les quatre jours au moins. Quand le soleil paraît, les effets doivent être exposés au grand air. Les tentes elles-mêmes devraient être abattues ; malheureusement pas une de ces prescriptions si essentielles n’est exécutée, même dans les ambulances. Elles devraient être indiquées par le son du tambour, dont le roulement est toujours écouté du soldat.

« La baraque en bois vaut mieux que la tente, pourvu toutefois que les joints des planches de la toiture soient hermétiquement fermés. Cet abri, tout exceptionnel, est réservé presque exclusivement aux malades des hôpitaux, ambulances, et des infirmeries régimentaires.

« Si l’on aidait un peu le soldat, il s’aiderait lui-même. La pierre abonde presque partout, il ferait facilement les quatre murs de sa maison ; il n’y aurait qu’à lui fournir des planches pour la toiture : ainsi serait construite rapidement et à peu de frais une salle-chauffoir par bataillon, destinée à abriter les hommes contre la persistance des pluies et à sécher leurs vêtemens imprégnés d’humidité. Faute de feux ils les portent quelquefois humides pendant plus d’une semaine. C’est là une cause de maladies nombreuses, dont il faut au plus vite exonérer l’armée. À défaut de pierres, je conseille de faire des murs avec les gabions, les sacs à terre des tranchées, les tonneaux et les caisses à biscuit.

« Depuis trois jours, on distribue à l’armée des matériaux de construction provenant de Sébastopol. On va tirer un admirable parti de cette cité que dévaste chaque jour davantage le canon des Russes. J’ai examiné ces ressources en détail : j’ai trouvé une quantité très considérable de planches, de bois de charpente et de tuiles ; il y a même une grande quantité