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II. - LES ALIMENS.

Dans mes recherches sur l’alimentation de l’armée d’Orient, quatre divisions principales étaient indiquées par la nature même des denrées alimentaires. J’avais à m’occuper successivement du pain, de la viande, des végétaux et des boissons.

Le biscuit, qui est le pain des marins, a été une grande ressource pour l’armée de Crimée. Il est de bonne conservation et ne craint que l’humidité. Le transport en est facile ; à poids égal, il est beaucoup plus nutritif que le pain de munition. L’eau que le pain contient en augmente le poids d’un tiers ; il ne reste rien de cette eau dans le biscuit. La farine transformée en biscuit s’allège dans une proportion de 5 pour 100. Le biscuit de France était bon, celui de Constantinople n’a pas toujours été d’une qualité ou d’une manutention irréprochable ; quelquefois il y avait des traces de moisissure.

La ration ordinaire de biscuit est de 550 grammes, non compris 185 grammes comme pain de soupe. Dès le début de la campagne, cette ration a été portée à 650 grammes. Quand les troupes travaillaient aux tranchées, elles recevaient par homme et par jour, outre une haute paie de 50 centimes, une augmentation de 250 grammes de biscuit. Cependant le soldat préfère au meilleur biscuit le pain de munition, même lourd et grossier. Le pain, se digérant moins vite, leste mieux l’estomac ; il ne provoque jamais la satiété et le dégoût. Le biscuit, privé de levain, est d’une extrême siccité. Il agit dans l’estomac comme une éponge ; après avoir épuisé les glandes salivaires pendant la mastication, il absorbe les sucs gastriques, qui deviennent ainsi insuffisans pour une bonne digestion. Afin de le ramollir, on le fait macérer un instant dans l’eau, puis on l’expose au feu ; il est alors pâteux, fade et indigeste. Le biscuit ne doit donc être distribué qu’à défaut de pain. Assez souvent on donne moitié pain, moitié biscuit. Pendant la campagne de Crimée, sur sept distributions, quatre étaient de biscuit. Il n’est pas facile de pourvoir de pain frais une armée de 140,000 hommes quand il faut tout tirer d’outre-mer, les farines, le bois, les pétrins, les fours, etc.

À Paris, la taxe de la boulangerie civile a pour base la proportion de 130 kilogrammes de pain pour 100 kilogrammes de farine. Ce rapport entre la farine et la quantité d’eau qu’elle doit absorber a été reconnu nécessaire pour la bonne manutention du pain. Le département de la guerre n’impose aucune limite : le plus fort rendement est le meilleur. On obtient avec le blé tendre 144 kilogr., et avec le blé dur 150 kilog. pour 100 kilog. de farine. Or le pain trop saturé d’eau se cuit mal ; la croûte brûle et noircit ; il se ramollit