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moment par une population de marchands cosmopolites. Le général La Marmora m’invita à visiter les ambulances de l’armée piémontaise : le service et le personnel ne me parurent mériter que des éloges.

En gagnant au sud les hauts plateaux qui s’étendent le long de la mer à partir de Balaclava, on arrive au cap Parthénon, le cap Fiolente des Génois, où l’on trouve quelques assises du temple de cette Diane tauropolitaine à laquelle le roi Thoas immolait les étrangers. Non loin de ces ruines, dans un pli de rocher, à l’abri des vents du nord, parait le beau monastère Saint-George, asile des aumôniers retraités de la flotte russe ; Quoiqu’on pût établir là un magnifique hôpital, les années alliées ont respecté religieusement ce monastère ; les cérémonies du culte ne furent jamais troublées ; elles s’accomplissaient chaque jour sous les yeux d’un public hétérodoxe attiré par la beauté du paysage et par le carillon des cloches qui rappelait la patrie absente. L’élévation du sol, la douceur des pentes, la ventilation qu’y entretient sans cesse la brise de mer, font de cette contrée une excellente position pour les bivouacs d’un camp. Entre Saint-George et Kamiesch était cantonnée la cavalerie française. Elle a été beaucoup moins éprouvée par les maladies que l’infanterie, parce que les endroits qu’elle habitait étaient plus sains, parce que le cavalier, comparé au fantassin, est plus soigneux de sa personne, vit plus en plein air et ne se blottit pas sous la tente pendant une grande partie du jour.

La plaine de Kamiesch s’arrête au cap Chersonèse et a pour limites deux baies jumelles, dont l’une s’appelle Kazak et l’autre Kamiesch, baies que notre marine ne connaissait que très vaguement, et dont la découverte a été un bonheur providentiel. Elles étaient sans cesse encombrées de vaisseaux qui venaient ravitailler l’armée française. Sur cette plage nue, d’un abord facile, d’immenses magasins d’approvisionnemens ont été élevés ; des baraques de marchands plus ou moins honnêtes se sont groupées, chaque jour plus serrées ; autour de nos établissemens militaires. En peu de mois, une ville entière a été comme improvisée ; elle avait ses rues, larges et bien alignées, ses cafés, son théâtre, sa police, son église catholique, et même son temple protestant. Je n’ai à parler que de l’hôpital : il était bien installé, largement pourvu ; le service médical y était habilement dirigé. On pouvait y réunir mille malades ; c’était là que s’arrêtaient les hommes qui se trouvaient trop souffrans au moment du départ pour les hôpitaux de Constantinople.

Huit kilomètres environ séparent Kamiesch de Sébastopol. À mesure qu’on avançait, le sol, bouleversé par les travaux d’approche était couvert d’une plus grande quantité de projectiles. Ils étaient littéralement