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santé de la Corse, de l’Italie et de l’armée d’Orient. Après avoir inspecté l’Italie et la Corse, je partis pour la Crimée vers la fin du mois de septembre. J’allais ainsi me trouver, après la prise de Sébastopol, sur le théâtre de la guerre d’Orient. Cette guerre présente à l’esprit deux images : l’une glorieuse et composée de brillans faits d’armes, l’autre morne et composée de souffrances obscures. La première, tous la connaissent dans ses moindres détails ; quant à la seconde, on n’en a que de vagues notions. Ces souvenirs pourront l’éclaircir, et l’on verra que ce n’est pas dans les assauts et les batailles que nos soldats ont déployé toujours le plus de courage.


I. – TOPOGRAPHIE MEDICALE DE LA CRIMEE.

Le bateau à vapeur sur lequel je m’embarquai avait à bord un bataillon du 11e léger. Quand nous arrivâmes à Malte, trente hommes étaient déjà atteints du choléra. Ils furent remis aux mains des sœurs de charité et transportés au lazaret. On y avait installé un petit hôpital destiné aux militaires de passage qui, atteints de maladies graves, ne pouvaient continuer leur route sans danger pour eux ou leurs compagnons. Il eût été utile de former à Malte un grand établissement hospitalier pour l’armée d’Orient ; mais les ressources manquaient, même pour les Anglais. Malgré le peu de lits que contenait le lazaret, cette étape sanitaire a rendu de grands services. À la fin de la guerre, quand le typhus importé de Crimée menaçait de sévir dans le midi de la France et sur les équipages de la flotte, on put éviter les dangers de l’infection en déposant à Malte un certain nombre de typhiques. Le gouverneur de l’île, ainsi que le consul de France, M. Henri Fourcade, ne négligèrent rien. Non-seulement on admit dans l’île des soldats étrangers, contre les usages traditionnels et les instructions données ; mais les entraves de la quarantaine furent levées pour nous, et il n’y eut pas à s’en repentir : ni le choléra, ni le typhus ne se sont établis à Malte, quoique l’hôpital ait reçu plus d’une fois des cholériques et des typhiques.

Malte est séparée de Smyrne par deux jours de navigation. Le choléra persistait à bord ; quatre morts furent jetés à la mer. L’inquiétude, l’alarme commençaient à se répandre. Tous ces jeunes soldats qui encombraient le pont du navire n’avaient d’autre abri que le ciel, et leurs vêtemens étaient imprégnés de l’humidité que des nuits froides et chargées de vapeurs faisaient succéder aux chaleurs tropicales du jour. D’après mes prescriptions, on leur distribua du vin chaud à neuf heures du soir et une infusion de thé à quatre heures du matin. Une réaction salutaire fit cesser les progrès du