possible des impositions, et comptera pour peu les ruines et les cris que causera la banqueroute, en comparaison de la délivrance de toute sorte d’impôts qui ruinent les familles avec les particuliers » L’aise de se voir au courant leur fera voir une nouvelle terre et de nouveaux cieux, et ne les laissera pas balancer entre leur propre bonheur et le malheur des créanciers. C’est donc à la banqueroute, si flatteuse par elle-même pour le gros, qu’il faudrait tourner les états avec adresse. »
Sans s’incliner devant les mœurs de notre temps, il est permis de constater que si Saint-Simon vivait de nos jours, il ne tiendrait pas un pareil langage. Au milieu d’embarras plus graves encore, des hommes moins honnêtes assurément se refuseraient à penser ce qu’il n’hésite pas à dire. Ajoutons que, quelle qu’ait été parfois l’étrangeté de nos expérimentations politiques, personne aujourd’hui n’imaginerait non plus un plan de gouvernement aussi manifestement impraticable que celui que fit accepter au régent sa confiance d’ailleurs fort naturelle dans les lumières de son ami.
Tout entier à la pensée d’appeler la noblesse aux affaires, dont l’accès lui avait été si longtemps fermé « par les efforts qu’on avait faits pour persuader au roi que mieux valait pour le servir des gens de rien qu’au moindre mécontentement on réduisait au néant en leur ôtant leur emploi, » tout plein de haine contre le pouvoir ministériel, « issu de l’élévation de la plume et de la robe, » Saint-Simon se propose de « renverser le monstre qui avait dévoré la noblesse. » Or, comme il ne lui vient pas même à l’esprit de réclamer pour celle-ci, non plus que pour le tiers-état, l’usage d’aucun droit politique, il n’imagine rien de mieux que de diviser les fonctions administratives de manière à constituer une centaine de ministres au petit pied. De là la substitution aux départemens ministériels de six conseils particuliers relevant tous du conseil de régence, et qui durent exercer collectivement les fonctions des anciennes secrétaireries d’état auxquelles ils correspondaient par leur titre. Ces corps bruyans et nombreux se mirent à l’œuvre avec aussi peu d’unité que de secret, avec une inexpérience aussi complète des hommes que des choses, et l’anarchie gouvernementale la plus ridicule fut le résultat presque immédiat des mesures chaudement recommandées par Saint-Simon. Aussi le pouvoir du régent, qui avait commencé par une cohue de grands seigneurs, se trouva-t-il au bout de quatre ans concentré aux mains du fils d’un apothicaire limousin, devenu premier ministre à force de complaisances et cardinal à force d’obsessions.
Durant son court ministère, Dubois exerça l’autorité suprême sans résistance comme sans contrôle. Saint-Simon, à peu près supplanté dans la confiance politique du régent par l’active habileté d’un homme