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Louis XIII, durant le cours de ses chasses, le moyen de passer d’un cheval sur un autre sans mettre pied à terre. Lorsque des services de vénerie avaient suffi pour faire un connétable, il était naturel qu’une telle innovation fît un premier écuyer. Claude de Saint-Simon s’éleva de plus en plus dans la faveur royale, tant qu’enfin le faible monarque, contraint de céder aux exigences de son frère d’Orléans et de créer duc et pair Puylaurens, le ministre assidu de toutes ses trahisons, voulut, pour adoucir l’amertume d’un tel choix, le compenser par un autre, en revêtant aussi son ami personnel de cette dignité. Si aucun service éclatant n’avait provoqué cette élévation, le nouveau duc s’en montra digne par un dévouement à toute épreuve à la personne de son bienfaiteur. Le respect pour la mémoire du prince auquel il devait tout devint pour Claude de Saint-Simon une sorte de culte qui chez son fils ne manqua pas de dégénérer en fanatisme paradoxal. Celui-ci fit carrément de Louis XIII un autre saint Louis, en le plaçant au niveau de Henri IV pour le génie et fort au-dessus du roi son fils pour le courage.

Relégué dans son gouvernement de Blaye, où il garda à Louis XIV une stricte fidélité durant les temps orageux de la minorité, le vieux duc de Saint-Simon ne fut plus pour la nouvelle cour que le serviteur oublié d’un roi disparu. Il était à peu près inconnu des ministres de Louis XIV et sans relations de famille ou d’alliance avec les seigneurs revêtus de ces grands emplois héréditaires devenus pour la haute aristocratie une sorte de portion de son patrimoine. Un seul fils lui était né de son union avec la nièce de l’ancien garde des sceaux Châteauneuf, union de laquelle ce jeune homme ne voulut tirer aucun secours, quelle que fût la situation élevée de plusieurs des membres de sa famille maternelle dans la haute magistrature et les ambassades. L’importance de la maison de Laubépine-Châteauneuf ne rendait que plus notoire son origine de robe longue, et rappelait au jeune duc sa récente initiation à la haute noblesse de cour, secret qui fut l’obsession assidue de sa pensée et le stimulant de ses humeurs, quoiqu’il l’ait soigneusement caché au public et peut-être à lui-même.

Le jeune Saint-Simon ne répondit pas, par son goût pour l’étude, aux soins dévoués de sa mère ; mais il suppléa à une froideur naturelle pour les lettres par un amour passionné de l’histoire, dans laquelle, nous dit-il avec la sincérité d’un homme qui n’a pas même pressenti la gloire, « si on lui en eût fait faire une étude sérieuse, il aurait pu devenir quelque chose. »

Fort las de ses maîtres et ayant terminé en 1691 le cours de ses études classiques, il entra dans l’une des deux compagnies de mousquetaires où se faisait alors le noviciat militaire de la noblesse.