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LOUIS XIV


ET SES HISTORIENS




II.


LE DUC DE SAINT-SIMON.[1]





I

De toutes les œuvres de l’esprit, l’histoire est celle qui comporte les formes les plus diverses, lors même qu’elle s’applique à un fonds commun d’événemens. Les historiens diffèrent plus que les poètes, parce que le cœur a dans ses émotions, et jusque dans ses orages, quelque chose de permanent qui manque à l’intelligence dans l’éternelle mobilité de ses croyances, de ses systèmes et de ses appréciations. Quelquefois l’historien s’absorbe dans son récit, souvent aussi sa personnalité s’en dégage. Tandis qu’Hérodote et Froissart, tout pénétrés de la vie des siècles dont ils ont reproduit la physionomie héroïque, disparaissent en quelque sorte dans leurs écrits, Thucydide et Commines, formés par la longue pratique des hommes et des affaires, s’efforcent de rattacher les effets aux causes, en liant aux événemens les motifs qui les expliquent et les conséquences qui en ressortent. Si plusieurs écrivains ont imité la première manière, en accomplissant par système ce qu’Hérodote et les chroniqueurs avaient fait par naïveté, la plupart des historiens, suivant la voie tracée par l’auteur de la Guerre du Péloponèse, et plus largement

  1. Voir la livraison du 1er novembre 1856.