Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/768

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’habitations allant des portes de Rome jusqu’à Ostie ou à Otricoli. À ce compte, on pourrait dire aussi que Londres s’étend à plusieurs lieues, parce que rien n’indique aux yeux la limite légale, la seule qui détermine l’étendue de ce qu’on est convenu d’appeler la ville de Londres. Rome était dans le même cas pendant les trois premiers siècles de l’empire ; elle n’avait aucune limite matérielle, et la limite légale, nous l’ignorons. Sur quoi pourrions-nous donc établir nos calculs relativement à sa population ? Rome n’eut point de limites matérielles avant Aurélien, c’est-à-dire avant le moment où elle allait cesser d’être la capitale de l’empire. Il y avait bien la vieille muraille des rois, et l’on a pris en général, ainsi que l’a fait M. de Tournon dans son très intéressant ouvrage, cette enceinte comme la base des calculs sur la population romaine ; mais cette base est entièrement illusoire, car la vieille enceinte étrusque avait, sous les premiers empereurs, entièrement cessé d’être une enceinte véritable, elle ne comptait pour rien. Denys d’Halicarnasse nous apprend qu’elle était comme perdue dans les maisons et les jardins, et les deux morceaux du mur des rois que l’on a depuis peu retrouvé sur l’Aventin ont montre la vérité de ce témoignage. On voit en effet des murs de maison rencontrer obliquement le vieux rempart ou s’appuyer sur lui. Ailleurs des chambres sont situées des deux côtés de la muraille sur laquelle la maison était bâtie. Dans le jardin des dominicains de Sainte-Sabine, on avait fait servir de parois à l’une de ces chambres l’antique mur de Rome, on l’avait percé pour passer d’un appartement à un autre. Évidemment ce mur était comme s’il n’avait pas été, et ne pouvait pas plus servir à limiter l’étendue de Rome que ne limitent l’étendue de Paris les anciens remparts dont on aperçoit des traces en plusieurs quartiers. Il y avait bien à Rome comme à Londres une limite légale et arbitraire, il y avait des faubourgs qui ne faisaient point partie de la ville. Nous savons que le Champ-de-Mars était dans ce cas, puisque les triomphateurs, auxquels la loi ne permettait pas d’entrer dans Rome avant le jour du triomphe, y attendaient ce jour. Nous ne pouvons dire cependant d’une manière générale où finissait la ville et où commençaient les faubourgs. Nous n’avons d’autre renseignement vrai sur l’étendue de Rome qu’un passage de Pline, qui fait voir que sous Vespasien elle avait treize milles de tour : c’est à peu près l’étendue de la Rome actuelle, qui ne contient pas deux cent mille âmes ; mais la population de la Rome antique devait être beaucoup plus considérable. L’univers y affluait sous l’empire. Au temps de Trajan, il y avait 250,000 places dans le cirque. Il fallait trouver moyen d’y faire tenir cette multitude, que la difficulté qu’on avait à la nourrir montré avoir été immense. Or on ne l’aurait pu, si l’enceinte de la Rome