amuser le peuple par le spectacle de leurs blessures et de leur mort était précieuse et méritait qu’on en prît soin. Il y a des vétérinaires pour les ménageries et les haras ; dans les plantations d’Amérique, des médecins pour les esclaves.
D’autres gladiateurs figuraient dans les jeux seulement pour y mourir : c’étaient les condamnés, qui n’étaient pas toujours des coupables. Le plaisir du peuple romain ressemblait alors tout à fait à celui qu’en tout pays une partie de la population trouve aux exécutions capitales. Ainsi le Colisée est une manifestation dans l’art de l’un des instincts les plus profonds et les plus durables du peuple romain : tel est son sens historique général. Suivons maintenant son histoire particulière, du moins le commencement de cette histoire, car nous la retrouverons plus tard et la suivrons à travers celle de l’empire, à laquelle elle est liée, à travers les annales du moyen âge et jusqu’à nos jours.
La première pensée du Colisée fut conçue par Auguste. Jusqu’à son temps, les combats de gladiateurs avaient eu lieu dans le Forum. À son instigation, Statilius Taurus construisit un amphithéâtre en pierre, mais d’une médiocre grandeur. Élever un édifice assez vaste pour recevoir : la multitude toujours croissante du peuple romain, c’était une immense entreprise, dont l’idée ne pouvait venir qu’à l’époque où l’architecture prenait à Rome ces vastes proportions que la république n’avait pas connues, et qui allaient mieux à un pouvoir maître de tous les bras comme de toutes les volontés, quand la grandeur passait des âmes aux édifices. Un monument plus vaste encore que ne devait l’être l’amphithéâtre projeté par Auguste existait, il est vrai, sous la république : c’était le Grand-Cirque ; mais d’abord il datait de la tyrannie des rois étrusques, puis, dans l’origine, il ne se composait que d’une enceinte entourée de gradins appuyés à deux collines. Ce fut César qui le premier lui donna toute son extension, toute sa magnificence, et César, c’était déjà l’empire.
Après Auguste, le projet d’élever un grand amphithéâtre paraît avoir été abandonné. Tibère bâtissait peu, Caligula bâtissait vite : il construisit son amphithéâtre en bois, car il avait le goût des monumens improvisés, et il n’avait pas le talent de Pantagruel, qui, on n’en peut douter, puisque Rabelais l’affirme, fit l’amphithéâtre de Nîmes et le pont du Gard en trois heures. Claude, tout Claude qu’il était, songeait, dans ses constructions, à l’utilité publique : il créait le port d’Ostie et l’émissaire du lac Fucin, il amenait à Rome l’eau Claudia par un aqueduc de vingt lieues. Il y eut là de quoi occuper tout son règne. Néron ne songeait qu’à sa Maison-Dorée. Puis vint un temps de troubles, vinrent les règnes éphémères et agités de Galba, d’Othon, de Vitellius. Aucun de ces empereurs de passage