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Martial anticipait sur l’avenir, il devançait par ses éloges un temps qui n’est pas venu encore. Ces expressions ne seront justes que lorsqu’il y aura, et quand l’aura-t-on ? entre Rome et Naples un chemin de fer.

Les détails sur l’établissement de la route, dans lesquels Martial entre ensuite, sont très précis et très curieux, et donnent une idée fort exacte de ce que l’on apportait de soins et de travail à bien asseoir une voie romaine. Seulement Domitien eut encore cette fois le tort d’élever là un arc de triomphe. Ici Martial est vrai, mais l’hyperbole l’entraîne quand il parle des additions faites par Domitien à cette demeure impériale du Palatin, à laquelle chacun voulait ajouter. « O César ! dit-il, ris des merveilles royales des Pyramides ! que la barbare Memphis avec son œuvre orientale se taise !… Ton palais s’élance dans l’éther de manière à s’aller cacher parmi les astres ; le sommet, qui dépasse les nuées, nage dans la lumière et se rassasie de la splendeur du soleil encore caché pour nous, avant que Circé ait vu le visage de son père, » c’est-à-dire avant que le Monte-Circello ait été éclairé par le soleil. L’exagération est forte dans ce qui précède ; Martial ne s’en tient pas là, il ajoute bravement : « Et cependant, Auguste, cette demeure qui frappe du front les astres, égale au ciel, est moins grande que celui qui la possède. » On me permettra de ne pas chercher dans ces vers un renseignement précis sur l’élévation à laquelle Domitien porta le palais impérial et de n’y trouver d’autre mesure que celle des énormes sottises que la rage de flatter peut faire dire à un homme d’esprit.

Stace aboutit à la même conclusion que Martial, mais il la fait précéder de quelques considérations qui ont leur prix. « La demeure de Jupiter, voisine de la tienne, est frappée de stupeur ; pourtant les dieux se réjouissent de te voir logé à leur niveau, de peur que tu ne sois tenté d’escalader le ciel. » Il est vrai que Stace avait eu l’honneur de dîner dans ce palais impérial sur lequel il écrivait de si belles choses.

Le Palatin ne rappelait rien de glorieux dans la vie de Domitien, mais le Capitole lui offrait de fâcheux souvenirs. Pendant le siège soutenu contre les Vitelliens par son oncle Sabinus, le futur empereur s’était caché, tandis qu’on se battait, chez le gardien du temple, y avait passé la nuit et s’était échappé le lendemain, déguisé en prêtre d’Isis. D’autres auraient négligé ce souvenir, mais Domitien érigea, à l’endroit de la cachette, un petit temple qu’il dédia à Jupiter gardien, et où il fit placer un bas-relief représentant sa mésaventure. Il éleva aussi sur le Capitole un édifice plus considérable et le dédia à Jupiter conservateur, toujours en mémoire de l’incident peu honorable qu’il eût mieux fait de laisser oublier. Son salut