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princesse, de la nouvelle et bourgeoise race des Flaviens, n’offre plus rien du noble profil et de la fière beauté des Agrippines : elle a un nez écrasé et l’air commun. Le meilleur portrait de Julie à Rome est la statue en pied qui, au Vatican, fait pendant à celle de son père Titus ; elle a de même un remarquable caractère d’individualité. D’autres bustes, qui du reste ressemblent beaucoup à cette statue, ont évidemment un peu idéalisé les traits de la fille de Titus. La coiffure de Julie achève de la rendre disgracieuse : c’est une manière de pouf assez semblable à une éponge. Comparé aux coiffures du siècle d’Auguste, le tour de cheveux ridicule de Julie montre la décadence du goût, plus rapide dans la toilette que dans l’art, parce que celle-là est plus docile aux caprices de la mode et plus prompte à les suivre.

Il semble qu’avec un tel visage et une telle coiffure, Julie eût dû être à l’abri de la séduction ; cependant Domitien séduisit sa nièce. Il avait refusé de l’épouser ; mais, quand elle fut mariée, il en fit sa maîtresse. Les portraits de Julie ne laissent à Domitien aucune excuse, et son intrigue avec elle ne peut s’expliquer que par l’envie de chagriner Titus. Domitien détestait son frère ; il fallait haïr beaucoup Titus pour aimer Julie. Au Capitole, le buste de Julie placé à côté de celui de son oncle semble le regarder d’un certain air penché ; lorsqu’on est si laide, on ne devrait pas être coquette. Du reste, la pauvre princesse fut bien punie de sa faiblesse : elle mourut des suites d’un avortement exigé par Domitien. Il y a dans Juvénal des vers terribles sur ce sujet, qui flétrissent l’odieuse prétention de l’incestueux empereur à venger par la sévérité de ses lois les mœurs que sa vie outrageait. Pour Domitien lui-même, il est beau, il est sans comparaison le plus beau des trois Flaviens ; mais c’est une beauté formidable, avec un air farouche et faux. Je songe surtout à un buste de la collection Campana. Ce Domitien-là est foudroyant ; il a l’air de dire aux Romains : « Misérables, je vous punirai d’avoir fait empereur un monstre tel que moi. »

Sa statue, du Vatican est une caricature terrible. Domitien fronce le sourcil ; il grince des dents, il va mordre. L’artiste l’aura vu dans un de ses momens de fureur, quand, effrayé de la foudre qui semblait le menacer, il s’écriait : « Eh bien ! frappe qui tu voudras ! » Cette statue porte le costume militaire, car, comme Caligula, Domitien avait la prétention d’être un guerrier, et ne faisait pas la guerre. Après être allé jusque sur les bords du Danube combattre les Daces, il resta dans une ville de Mésie, se livrant à toutes les débauches, ce qui ne l’empêcha pas de venir triompher deux fois à Rome, où il fit porter dans la pompe triomphale des objets précieux, non point enlevés à l’ennemi, qu’il n’avait pas vu, mais pris dans le trésor impérial,