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de la routine a fait conserver, sans nécessité urgente, des garnisons européennes.

Un général éminent de l’armée royale a ainsi défini le bagage d’un officier en campagne dans l’Inde : « une tente, un lit, une cantine, deux paires de souliers, deux paires de pantalons, deux gilets de flanelle, quatre serviettes, une demi-douzaine de chemises et un morceau de savon. » Nul n’est prophète en son pays, et sir Charles Napier n’a point échappé aux rigueurs de la loi commune, car encore aujourd’hui le luxe de bagages et de suivans d’une armée indienne ne le cède en rien à ce que l’histoire raconte des armées de Xercès et de Darius. L’on peut dire que le nombre de domestiques, hommes de peine, détaillans, que le devoir ou l’appât du gain attache à une armée en campagne dans les Indes, est dix fois plus considérable que celui des combattans. Comme le chiffre pourrait sembler exagéré, nous allons tenter de dresser une liste approximative des milliers d’individus qui suivent les pas de toute force militaire un peu considérable. Dans ces contrées barbares, où les ressources même les plus simples échappent au voyageur, un corps d’armée ne saurait se mouvoir sans être accompagné de plusieurs centaines d’éléphans qui rendent les plus importans services pour le transport des tentes, des munitions, des bagages, même de l’artillerie. S’agit-il de tirer une pièce embourbée dans un terrain difficile ou de faire monter à un obusier une côte escarpée, l’éléphant de la batterie est là qui du pied et de la trompe travaille avec une intelligence presque humaine. L’on cite même l’exemple d’un éléphant qui, indigné de la mollesse avec laquelle un attelage de bœufs répondait au fouet du conducteur, alla cueillir dans la jungle voisine un petit arbre, et revint gravement appliquer aux bêtes cornues si belle volée de bois, que Figaro ne rêva jamais la pareille pour le dos de don Basile, et que la pièce atteignit, à une allure inconnue jusque-là des syces, le sommet des hauteurs.

Pour revenir au dénombrement des non-combattans qui accompagnent une armée indienne, il faut ajouter que chaque éléphant réclame les soins d’un palefrenier et d’un mahout ou conducteur. Les chevaux sont traités avec moins de luxe ; cependant tout cheval, qu’il appartienne à la cavalerie ou à l’artillerie, est toujours accompagné d’un domestique. Pour procéder conformément aux lois de l’étiquette zoologique, nous parlerons des domestiques attachés aux chameaux. Dans une armée indienne, les chameaux sont toujours en aussi grand nombre que les chevaux, et le règlement accorde un domestique à chaque triade de ces utiles animaux. Il en est de même pour les bœufs qui font le service des ambulances, des bagages, de l’artillerie.