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l’une des plus décisives et des plus disputées de l’histoire de l’Inde ! Avant d’étudier l’armée royale dans sa vie sédentaire, qu’on l’observe un moment en présence de l’ennemi.

Attaquée au déclin du jour le 21 décembre 1845, la position fortifiée des Sicks, protégée par plus de 150 pièces de canon et une armée de 60,000 hommes de troupes dévouées, avait victorieusement résisté à l’assaut des troupes anglaises. La défense avait été digne de l’attaque. Tel était le courage indompté des soldats sicks, qu’on les voyait sortir un à un des retranchemens, armés d’un sabre et d’un bouclier, et venir de propos délibéré chercher sur les baïonnettes anglaises une mort inutile et glorieuse. Décimés par la mitraille, les braves régimens de la reine et de la compagnie étaient arrivés jusqu’à la ligne des retranchemens ; mais là un feu formidable de mousqueterie opposa une barrière infranchissable à leurs efforts. L’obscurité vint mettre un terme à la lutte, et les deux armées bivouaquèrent en présence, sur le théâtre même du combat. Le commandant en chef, sir Hugh Gough, et le gouverneur général, sir Henry Hardinge, s’élevèrent à la hauteur de leurs devoirs, et acquirent des droits éclatans à la reconnaissance de l’Angleterre et au respect de la postérité, dans cette nuit d’angoisses dont nous esquisserons seulement quelques traits : des ténèbres épaisses enveloppant les deux armées ; les soldats anglais, couchés dans la boue, sur leurs armes, grelottant sous une pluie glacée, sans nourriture et sans eau depuis plus de vingt heures ; les gémissemens des mourans et des blessés ; dans le lointain, le camp des Sicks en feu, d’où partait une immense canonnade qui semait la mort dans les rangs de l’armée anglaise. Pendant ces heures d’anxiété, les deux vieux guerriers parcouraient les bivouacs des divers régimens pour relever le courage des hommes et leur promettre de les conduire le lendemain à la victoire. Cette promesse devait être noblement tenue. À la pointé du jour, sir Hugh Gough et sir Henry Hardinge, à trente pas en avant des rangs anglais, l’épée à la main, forcèrent la positon des Sicks, qui se retirèrent en pleine déroute, laissant 99 pièces de canon entre les mains de l’ennemi. Ce succès fut chèrement acheté. L’armée anglaise, forte de 16,700 hommes, comptait 2,721 hommes hors de combat ; parmi ces derniers, 37 officiers tués et 78 blessés. Des dix officiers attachés à l’état-major de sir Henry Hardinge, un seul avait échappé sain et sauf, son fils, dear little Arthur, comme il l’appelle avec une familiarité touchante dans une de ses lettres, un enfant de seize ans qui avait parcouru à côté de son père toutes les phases de ce terrible combat. Notons parmi les morts de cette grande journée le major Sommerset, officier d’une bravoure chevaleresque et fils aîné de ce digne lord Raglan dont le nom se trouve si intimement