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où les cipayes, après le service, vont déposer leurs armes. Ce qui frappe surtout le visiteur, c’est l’incroyable mélange des habitudes natives et des habitudes européennes qu’il retrouve chez tous les habitans de ces demeures. Quelle métamorphose, quelle dualité plus complète que celle de ce grenadier de six pieds dont vous avez admiré la bonne tenue et la tournure martiale sur le champ de manœuvre, et que vous retrouvez à cinq minutes de distance vêtu d’un mouchoir de poche et accroupi comme un singe à la porte de sa cabane, aussi différent en un mot du grenadier de la parade que le fidèle ami de Robinson ! De plus, certains détails de la vie intime du soldat natif ne manquent pas d’originalité ; presque dans chaque rue du cantonnement se trouvent des espèces de hangars sous lesquels les cipayes s’exercent à la lutte, exercice qu’ils aiment passionnément. L’arène, creusée à trois pieds au-dessous du sol environ, est recouverte d’un toit de chaume soutenu par des piliers. Pour toute décoration, elle renferme uniformément une figure ornée de bras et de jambes surabondans, qui représente sans doute l’Hercule de l’olympe de Wishnou. Dans quelques régimens, les officiers encouragent avec raison les hommes à pratiquer ce salutaire exercice, et accordent à certains jours des prix de lutte assez considérables. Faisons remarquer en terminant ce croquis que les cantonnemens des troupes natives, quelque mesquins qu’ils soient, imposent une grande dépense au trésor de l’Inde, car toutes les fois que le cipaye arrive à une nouvelle station, il reçoit pour se bâtir une hutte une indemnité de 2 roupies 1/2.

La cavalerie native de l’armée du Bengale comprend dix régimens de cavalerie régulière[1]. La tenue de cette cavalerie est ainsi déterminée par les règlemens : un shako sans visière, une veste ronde et un pantalon de drap gris clair (french grey). Le harnachement du cheval et la selle sont les mêmes que dans la cavalerie légère de l’armée royale. Les hommes sont armés du sabre recourbé et de deux pistolets ; de plus, dans chaque escadron, quinze cavaliers portent la carabine. La taille moyenne des soldats est de 5 pieds 9 pouces anglais, et leur poids, quand ils sont armés, équipés, prêts à se mettre en marche, s’élève à environ 18 stones (à peu près 125 kilog.).

La question de la remonte de la cavalerie a longtemps préoccupé

  1. Chaque régiment de cavalerie régulière native se compose de 1 colonel, 1 lieutenant-colonel, 1 major, 6 capitaines, 8 lieutenans, 3 enseignes, 1 chirurgien, 1 vétérinaire, 1 maître d’équitation et 1 sergent-major, tous Européens ; 6 subadars, 6 jemmadars, docteurs indigènes, 1 quarter master sergeant, 27 havildars, 25 naicks, 7 trompettes, 9 maréchaux ferrans et 428 cavaliers. À ce personnel il faut ajouter un syce (palefrenier) par deux chevaux et un grass-cutter (coupeur d’herbe) par cheval.