qui donne le titre de bahadoor et une roupie d’extra-paie. Cette récompense par le fait ne s’accorde qu’à l’ancienneté, et la plupart des membres de l’ordre sont retirés du service.
Quoique l’on puisse lire dans tous les comptes-rendus des grandes expositions de Londres et de Paris que les produits de l’Inde y attiraient l’attention générale, quiconque a vécu au Bengale conviendra sans peine que le produit le plus curieux de cette terre exotique manquait à ces fêtes industrielles : ce produit, c’est le cipaye. Avoir donné à un Indien l’apparence d’un soldat européen, c’est là une œuvre d’admirable patience que peut seul apprécier celui qui dans un contact de chaque jour a reconnu les abîmes de préjugés infranchissables qui séparent la race indienne de nous, de nos habitudes, celui qui a compris par expérience qu’il est dans l’Inde une chose plus fâcheuse que son soleil de plomb fondu, ses moustiques dévorans, ses fièvres empestées, — les domestiques natifs !
L’éducation militaire du cipaye demande environ neuf mois ; au bout de ce temps, la métamorphose est complète, la chenille est devenue papillon ! L’on peut presque dire que la tenue du cipaye ne laisse rien à désirer ; seulement on s’aperçoit aisément, à une certaine gêne dans la démarche, qu’il n’est pas habitué à porter le soulier ; l’habillement est le même, à très peu de chose près toutefois, que celui des troupes royales ; au lieu d’un col de cuir, le cipaye porte un col formé de grains de verroterie blanche ; il y a aussi quelque différence dans les boutons et la plaque des buffleteries ; de plus, le schako est remplacé par un bonnet rond de laine. En somme, la tenue extérieure du cipaye laisse bien peu de chose à désirer ; mais il lui manque, on le devine au premier coup d’œil, le sentiment de la dignité de l’habit qu’il porte. Rien dans sa contenance ne rappelle l’air martial de nos pantalons rouges, ou la tournure d’homme, carrée par la base, du soldat anglais. L’humilité, l’esprit de servitude de la race indienne perce sous l’uniforme : regardez fixement un cipaye, et vous pouvez parier cent contre un qu’immédiatement il vous rendra un salut militaire, ou un port d’arme s’il est en faction. C’est qu’en effet le cipaye n’a rien perdu de ses habitudes natives, et pour démontrer cette vérité, que le lecteur veuille bien nous accompagner aux tentes d’une compagnie d’infanterie venue récemment de l’intérieur avec un convoi d’argent, et campée sur les glacis du fort William, à Calcutta.
Le camp est formé de trois grandes tentes ; un seul homme en habit rouge, une baguette de fusil à la main, en garde l’approche ; quant aux soldats, ils ont dépouillé l’uniforme et revêtu le costume indien dans toute sa simplicité : les plus couverts en chemise ! Et quelles fantaisies de coiffures ! celui-ci la tête complètement