détracteurs de l’armée native la représentent, les immenses travaux militaires qui ont réuni sous le sceptre de la compagnie le vaste empire qui s’étend du cap Comorin à Peshawer.
L’armée anglo-indienne est commandée par des officiers anglais, dont il faut en premier lieu examiner la condition. Et d’abord comment y obtient-on une commission ? Le patronage des directeurs de la compagnie distribue les brevets d’officier ; pour toutes garanties préliminaires, il suffit de prouver qu’on a reçu une éducation de collège, qu’on est âgé de seize ans au moins, et de vingt ans au plus. Suivant un tableau récemment publié, il a été délivré, du 1er janvier 1836 au 9 décembre 1843, 1,976 commissions dans l’armée indienne. Ces commissions ont été ainsi réparties : à des fils d’officiers du rang de capitaine et au-dessous, 128 ; à des fils de majors et de lieutenans-colonels, 143 ; à des fils de généraux, 77 ; à des fils de membres du service civil de l’Inde, 105 ; à des fils d’officiers de l’armée et de la marine royale, 383 ; à des fils de membres du clergé, 205 ; à des jeunes gens dont les pères appartiennent au commerce, au barreau, etc., 938. Ce total énorme de brevets d’officiers distribués en moins de huit années est digne de fixer l’attention de quiconque veut se rendre un compte exact de la société anglaise. Là est une des soupapes de sûreté par lesquelles s’échappe, comme nous avons eu déjà occasion dans ces études de le faire remarquer bien des fois, la vapeur impure des élémens révolutionnaires qui bouillonnent au sein de l’Angleterre aussi bien qu’au sein des autres états de l’Europe. Que l’on prenne en effet les promotions des écoles militaires françaises pendant la période correspondante, et l’on reconnaîtra que le contingent d’officiers fourni par Saint-Cyr et l’École polytechnique est loin d’égaler le chiffre que nous avons donné plus haut. Et de cela ne doit-on pas logiquement conclure que bien des médecins sans malades, des avocats sans causes, des journalistes sans journaux, qui sont devenus la plaie et la honte de la société française, auraient pris place sous le drapeau avec honneur, si la France avait pu leur assurer des chances d’avancement convenables dans les rangs d’une autre armée de l’Inde ? Nous ne pousserons pas plus loin ces considérations, sur lesquelles nous nous sommes arrêté à plusieurs reprises ; nous tenions seulement à indiquer de nouveau de quel poids pèse dans la balance des destinées de l’Angleterre ce prodigieux empire de l’Inde dont elle est redevable à l’habileté de ses hommes d’état, au courage de ses officiers et de ses soldats, et, disons-le aussi, à cette heureuse étoile qui depuis cent ans n’a pas cessé de veiller sur ses destinées.
Ce n’est pas qu’il faille s’exagérer la brillante fortune pécuniaire ou militaire réservée aux élus qui reçoivent des commissions des