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Le congrès se compose de trois cent quarante-neuf députés élus par districts, non par provinces. C’est sous l’empire de cette loi que va se rouvrir le scrutin. Ainsi, dans un court intervalle, les municipalités vont être reconstituées, l’élection des députés est fixée au 25 mars, peu après la session législative s’ouvrira à Madrid, et l’Espagne se retrouvera avec une représentation légale, régulière. La meilleure preuve que cette mesure répondait à une nécessité publique réelle et profonde, c’est que le décret de convocation des cortès a été en quelque sorte un soulagement pour tout le monde ; il a été universellement considéré comme un gage de raffermissement et de sécurité. On ne doutait point de la pensée véritable du général Narvaez, on croyait aux embarras de sa situation et aux difficultés qu’il rencontrait ; ces difficultés, le président du conseil les a tranchées en homme d’état qui sait prendre une résolution au moment voulu.

Maintenant est-ce à dire qu’il ne reste plus rien d’épineux et de problématique dans les affaires actuelles de l’Espagne ? Le gouvernement a pris une heureuse initiative en faisant appel aux conseils légaux du pays pour donner une sanction définitive au rétablissement de toute une légalité brisée par la dernière révolution ; mais cette situation, il est évident qu’elle ne peut s’affermir et redevenir durable que si elle s’appuie sur une force politique compacte, sur un parti puissant et organisé. En un mot, c’est ici la question de l’union de toutes les forces conservatrices de l’Espagne. Malheureusement il n’est point certain que cette union existe. Toutes les divisions accumulées depuis quelques années dans le sein du parti modéré semblent au contraire se faire jour de temps à autre par de curieuses polémiques, Récemment un journal qui passe pour être inspiré par M. Gonzalez Bravo entreprenait la plus singulière campagne contre ce qu’il appelait le santonismo, les santones, ou en d’autres termes les burgraves, qui ne sont autres que les anciens, les hommes les plus considérables du parti. Cette diversion assez excentrique, tentée au profit de ce qu’on nommait, il y a quelque dix ans, la Jeune-Espagne, paraît avoir été motivée par la crainte de voir le général Narvaez se rapprocher trop intimement des anciennes notabilités du parti conservateur, de M. Mon par exemple. Il s’est élevé il y a peu de jours, dans la presse modérée de Madrid, une polémique bien plus sérieuse. Il ne s’agit ici de rien moins que de la réforme de la constitution de 1845, de cette constitution à peine rétablie depuis quelques mois. Toutes les fractions de l’opinion modérée ont pris part à cette polémique, et sous les paroles des journaux, à travers leurs indications ou leurs réticences, il est facile de distinguer les tendances et les vues des principaux hommes publics. Si les mêmes luttes ont existé au sein du ministère, elles se sont dénouées au profit des idées constitutionnelles par la réunion des chambres. Il est vrai que, dans l’exposé des motifs qui précède le décret de convocation des cortès, le gouvernement parle de la nécessité d’adopter, d’accord avec les chambres, diverses mesures qui touchent à la législation politique actuelle. Ces mesures auraient pour objet de rehausser l’éclat du trône, de garantir la conservation des noms illustres de l’Espagne, de régulariser les discussions parlementaires sans en affaiblir l’efficacité. Quelque vagues que soient ces indications, ce serait évidemment en outrer le sens naturel que d’y voir la pensée d’une réforme constitution-