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sont à Bouchir, mais ils ne doivent pas compter sur les ressourcés du pays. Bouchir est la ville la plus pauvre en denrées ; la campagne d’alentour ne produit presque rien et ne présente que des plages sablonneuses ou des marécages salins. Entre la côte et les montagnes qui séparent absolument le pays plat de la remise proprement dite, on ne rencontre qu’un petit nombre de villages, habités par des populations défiantes qui émigrent facilement. Pour peu qu’elles ne soient pas aussi charmées de voir les habits rouges ou les cipayes qu’on se plaît a le croire en Angleterre, elles auront bien vite plié leurs tentes et cherché un refuge dans les gorges de la montagne voisine.

La Perse se soumettra-t-elle à l’Angleterre, comme on l’annonçait dernièrement ? En acceptant même comme certains des bruits visiblement prématurée, il y aurait encore opportunité à discuter les chances d’une expédition anglaise en Perse. Fût-il même rayé de l’ordre des éventualités présentes, un pareil événement devrait toujours être compté parmi les éventualités futures. Admettons qu’aucun incident inattendu ne vienne modifier la situation créée par le débarquement des Anglais à Bouchir : que fera la petite troupe partie de Bombay ? Si elle se cantonne à Bouchir et y demeure dans l’expectative, elle ne troublera guère sans doute le repos du châh. Le plus redoutable ennemi pour les Français en 1812 a été, comme le disait l’empereur de Russie, l’hiver moscovite ; de même l’adversaire qu’auront le plus à craindre les Anglais dans le Guermsir ou pays de la chaleur, ce sera cette chaleur même. L’ardeur du soleil et le vent du désert, un vent qui asphyxie, le vent de la mort, comme on l’appelle, attaqueront l’armée anglaise sans paix ni trêve, la décimeront par les maladies, par l’atonie, et souvent frapperont les soldats comme la foudre. De plus, la presqu’île de Bouchir est séparée de la terre ferme par des marais, elle est privée d’eau potable ; les tortures de la soif se joindront aux maladies qu’apporte une atmosphère embrasée et saturée de miasmes délétères. Le châh pourra, sans brûler une cartouche, voir du haut de ses montagnes les rangs de ses ennemis s’éclaircir rapidement. Nous sommes encore loin, il est vrai, de l’époque où ces fléaux du Golfe-Persique se répandent le long des côtes ; mais les choses traîneront en longueur, soit à cause du caractère indécis et temporisateur des Orientaux, soit par suite d’une ruse de guerre qui engagera les Persans à attendre tranquillement les effets de la saison chaude dans le Guermsir.

Sera-t-il plus sûr pour l’armée anglaise de se porter en avant ? On a supposé que, dans ce cas, elle gagnerait la petite ville de Kazèroûn, qui, mieux située que Bouchir, offrirait de meilleures conditions hygiéniques. Seulement, pour arriver à Kazèroûn, pour atteindre même un point quelconque qui suit plus salubre que le bord de la