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sous différens noms et à cause de la diversité de leurs origines, supportent impatiemment le joug du roi de Perse ; elles sont même fréquemment en état de rébellion. L’insurrection est presque l’état normal du Louristân, pays montagneux peuplé par les tribus indomptables des Lours, des Baktyaris et des Mamacenis. Il en est de même du Khouzistân. Dans l’Arabistân se trouve une population mixte, au sein de laquelle vit un grand nombre de tribus arabes. Il est facile aux Anglais d’agir sur ces tribus en raison de leur nationalité et de leur religion, qui les sépare de la Perse, car les Arabes sont sunnites pour la plupart. Ce sont principalement ces familles d’origine arabe qui occupent le littoral ; elles s’étendent jusqu’à la frontière du pachalik de Bagdad. Dans le Fars sont les tribus des Karat-châders ou tentes noires, descendans des anciens Perses et souche de la nation persane. Elles sont nomades en grande partie, à peu près indépendantes, et ne reconnaissent d’autorité que celle de leurs khâns. Le châh les cajole plutôt qu’il ne les domine ; il sait qu’il ne peut se fier à elles ni compter sur leur appui pour défendre une couronne portée par un prince d’origine turque[1]. L’état de ces peuplades, sans homogénéité entre elles, sans adhérence à la monarchie des Kadjârs, hostiles même à son gouvernement, excite les convoitises et les espérances des Anglais. Ils l’ont prouvé à plusieurs reprises par l’envoi d’agens chargés d’attirer leurs sympathies du côté de l’Angleterre, par des relations clandestines avec les chefs de tribus, par des tentatives pour les détacher du châh et les pousser à l’indépendance. Il n’est sorte d’efforts que l’Angleterre n’ait faits pour prendre pied dans ces contrées. Jusqu’à présent, il faut le dire, le succès n’a pas égalé les efforts. En effet, quelque peu de goût que les populations du sud de la Perse professent pour le gouvernement du châh, la main de l’étranger, du chrétien, leur serait bien plus odieuse, et, tout en refusant foi et hommage à Nasr-ed-din-Châh, les Lours, les Baktyaris, les Arabes, repousseront toute domination venant de l’Angleterre ou d’une puissance quelconque de l’Europe.


II

On connaît à peu près la force numérique de l’expédition partie de Bombay pour le Golfe-Persique : elle se monte à 5,000 hommes, commandés par un brigadier-général. Cette armée occupe, dit-on, l’île de Karrak et Bouchir. Cette première opération ne présentait aucunes difficultés, ce sont deux points tels que le châh ne pouvait songer à les défendre. Que vont faire les Anglais maintenant ? Ils

  1. La famille des Kadjars, qui règne en Perse depuis 1794, est issue d’une tribu d’origine turque établie sur les bords de la Mer-Caspienne au XVIe siècle.