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C’en était fait, le voile était déchiré, la situation mise à nu. L’Autriche rompait l’alliance signée le 14 mars 1812, et elle choisissait pour la rompre le moment où la France, assaillie par des ennemis redoutables, lui demandait, avec autant de loyauté que de confiance, de négocier la paix, si la paix était possible, et, si elle ne l’était pas, d’unir ses efforts aux siens pour la conquérir. Ce n’est pas sans ressentir un grand trouble que l’empereur d’Autriche et M. de Metternich avaient pris une résolution aussi hardie. Elle venait trop tôt pour le succès de leurs combinaisons. Forcés dans leurs derniers retranchemens par les sollicitations de M. de Narbonne, ils n’avaient pu échapper au danger d’une explication. Le coup était porté maintenant ; ils craignaient qu’à cette nouvelle Napoléon ne fît explosion. Les événemens pouvaient tourner au profit de sa gloire et à la confusion de tous ses ennemis. Aussi, dans le moment même où M. de Metternich brise les liens formés en 1812, il s’applique avec tout l’art dont il est capable à nous persuader que sa cour n’a pas changé de système. Le 1er  mai, il écrit confidentiellement à M. de Narbonne : « J’espère que l’empereur Napoléon voue quelque confiance à l’homme qui, en grande partie, a fondé les rapports qui existent entre l’Autriche et la France. Serait-il dans la nature des choses que cet homme pût contribuer au renversement d’une œuvre de plusieurs années dans ce moment où un résultat entièrement favorable à l’empereur votre maître ne lui présente aucun doute ? »

M. de Narbonne avait un esprit trop délié pour se laisser abuser par ces doucereuses paroles. Ses convictions étaient formées. D’une main trop brusque, il venait d’arracher le voile dont M. de Metternich enveloppait sa pensée. Il le tenait pour un ministre cauteleux, plus faible encore que perfide, entraîné malgré lui, mais à coup sûr déjà en voie de défection, et qui ne voulait intervenir en médiateur armé que pour nous dicter des lois. Il ne laissa pas un instant à ce ministre la satisfaction de croire qu’il l’avait trompé. Il lui déclara qu’acceptant toutes les conséquences de la nouvelle position que venait de prendre l’Autriche, l’empereur Napoléon allait lever immédiatement deux cent mille hommes.


ARMAND LEFEBVRE.