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toute la confiance que je puis inspirer, — Mais enfin, dit M. de Narbonne, votre majesté veut donc considérer comme non avenu le traité de Paris ? — C’est votre maître qui le veut, puisqu’il exige que je réunisse toutes mes forces et que je rassemble 200,000 hommes. » M. de Narbonne objecta que son souverain n’en avait demandé que la moitié. « Enfin, dit l’empereur avec une sorte d’impatience, c’est ma conviction ; je veux que toutes mes troupes soient réunies pour agir d’accord avec les vôtres. — Elles seront donc destinées toutes à agir pour nous ? demanda M. de Narbonne. — Oui, dit l’empereur, dans le cas où, comme je l’espère, votre maître accédera à des propositions raisonnables. — Mais, reprit l’ambassadeur, qui jugera le véritable caractère de ces propositions ? Et dans le cas contraire aux prévisions de votre majesté qu’adviendrait-il ? » La question était pressante, trop pressante certainement. L’empereur François garda un instant le silence ; puis, comme un homme qui répond à ses pensées intérieures, il dit : « Il faudrait être fou pour vouloir aller par-delà le Rhin et ne pas laisser un peu de puissance de ce côté-ci, absurde de vouloir rien tenter du côté de l’Italie. Je dois compte à mes sujets de tout le sang que je leur fais verser. » S’adressant plus directement à la personne de notre ambassadeur, il ajouta : « Prenez garde, monsieur le comte ; j’ai des raisons de croire que l’on ne sera pas content à Paris que vous ayez donné votre dernière note, à laquelle je ferai réponse aujourd’hui. »

L’entretien durait déjà depuis longtemps ; avant de se retirer, M. de Narbonne supplia encore l’empereur de ne pas séparer sa cause de celle de son gendre. L’empereur d’Autriche lui répondit avec fermeté : « Non, je ne changerai rien à ma résolution ; en la prenant, j’ai obéi à mes convictions ; c’est ma conscience qui le veut et qui me le commande. Si j’agissais autrement, je serais responsable devant Dieu. » Ces mots furent les derniers de ce grave entretien.

Le 1er mai, M. de Metternich envoya la réponse de son souverain. « L’empereur d’Autriche, disait M. de Metternich, s’est placé vis-à-vis de l’Europe dans l’attitude la plus belle qui puisse être réservée au souverain d’un grand état, celle de médiateur. Dès que sa majesté veut la chose, elle doit en vouloir les moyens. Ces moyens existent dans les formes de la plus complète impartialité et dans le déploiement de grandes forces. Nous avons adopté les premières ; les secondes sont toutes prêtes. L’empereur veut la paix et ne veut que la paix. Ce n’est pas avec de faibles moyens que l’empereur François soutiendra ses paroles de paix et qu’il sera prêt à combattre les ennemis des intérêts de la France, qu’il ne séparera jamais de ceux de son propre empire. »