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le second, puis je tourne convenablement l’anneau divisé, et arrivé à une position déterminée, je vois un mur également éclairé partout : les deux parties ont pris un même éclat. Je regarde alors la graduation, elle m’apprend que j’ai rendu la lumière vingt fois plus faible, et j’en conclus qu’avant cette extinction artificielle les points du mur éclairés par le soleil étaient vingt fois plus brillans que les parties placées dans l’ombre portée. Si le mur avait été jaune ou bleu, j’aurais exécuté la même épreuve et trouvé le même résultat, si j’avais supposé l’ombre projetée par un arbre sur le sol, et en général si j’avais étudié l’opposition d’éclat entre un coup de soleil et une ombre portée, j’aurais opéré de la même manière. J’aurais vu d’ailleurs que le rapport varie depuis les jours d’hiver jusqu’aux époques de l’été, qu’il change avec les heures de la journée, l’état du ciel, et avec beaucoup d’autres circonstances que je n’ai pas besoin d’énumérer.

On pourra me dire que cette expérience peut intéresser les gens de la science ; mais qu’elle ne regarde pas les artistes, qu’ils ont pour but de copier et non de calculer. Je l’avoue volontiers ; je persiste néanmoins à penser qu’une semblable mesure a pour eux une importance extrême, s’ils veulent être vrais. On l’admettra aisément, si l’on veut bien se rappeler qu’il y a de très nombreux tableaux où l’on a reproduit de semblables effets de soleil et d’ombre portée, et où on les a très inégalement accentués. Certains artistes les peignent timidement, comme si le soleil était affaibli ; certains autres les montrent avec un éclat quelquefois exagéré. D’où vient cette différence ? Elle vient de ce qu’ils jugent très inégalement les mêmes apparences. Et que prouve-t-elle ? C’est qu’il y a dans les reproductions une large place laissée à une interprétation conventionnelle et à des erreurs matérielles inévitables. Mais je vais aller plus loin : je reprends mon appareil, et je m’approche d’un artiste occupé à peindre dans un paysage le mur jaune dont j’ai supposé l’existence avec la lumière et l’ombre qui le divisent. Je commence par regarder l’objet réel à travers mon instrument. Je tourne le cercle divisé et je m’arrête quand j’ai rendu uniformes les éclairemens des deux parties du mur, puis, sans rien changer à l’appareil, je le dirige vers le tableau, et si la copie est exacte, je dois voir avec le même éclat la partie éclairée et la partie ombrée. Ainsi je mesure en premier lieu le rapport des éclats dans la nature, et ensuite je cherche si, dans la reproduction que l’artiste essaie, ce rapport a conservé là même valeur. Il y a bien peu de tableaux qui résistent à cette épreuve décisive. On reconnaît généralement qu’il y a deux espèces d’erreurs qui se commettent à la fois : la première, c’est que l’ombre portée n’est pas assez foncée, la deuxième vient d’une autre cause et n’est pas moins grave. L’artiste a employé, pour représenter les portions éclairées, un jaune pur éclatant, et, pour