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J’ai omis jusqu’à présent une particularité qui joue dans les arts un rôle capital, aussi bien qu’elle tient dans nos industries et dans nos goûts une place importante. Je veux parler de la couleur. Les corps se distinguent les uns des autres non-seulement par la proportion plus ou moins grande de lumière qu’ils renvoient, mais encore par la teinte spéciale que cette lumière affecte. Comment se fait-il qu’une étoffe soit rouge ou jaune, qu’un feuillage soit vert, et que le ciel nous paraisse bleu ? Nous dirons à ce sujet ce que les physiciens savent et aussi ce qu’ils ignorent.

Il est à peine utile de rappeler que Newton a prouvé par les expériences les plus décisives que chacun des rayons émanés du soleil est composé, et qu’il est formé par la réunion d’une infinité de radiations qui suivent une route commune. Quand on sépare ces radiations, elles offrent des couleurs qui varient depuis le rouge jusqu’au violet, en passant, comme on le voit dans l’arc-en-ciel, par toutes les teintes intermédiaires : séparées, elles affectent nos organes d’impressions très variées ; réunies, elles nous donnent la sensation du blanc. On peut maintenant combiner ces diverses lumières deux à deux, trois à trois, etc., et l’on formera des rayons qui offriront des couleurs très différentes. La conséquence générale qui ressort de ces expériences et de la règle de Newton, c’est qu’il n’y a dans la nature aucune couleur, aucun ton qui ne soit le résultat d’un mélange en proportions bien définies des divers rayons simples que l’on observe dans le spectre solaire.

Cette connaissance du mélange des couleurs une fois acquise, et la science de les combiner étant ainsi ramenée à une question de calcul, nous pouvons revenir à notre but, qui est d’analyser les conditions générales de l’éclairement des objets. Nous pouvons choisir une étoffe rouge et diriger sur elle les rayons rouges du spectre solaire : elle les diffusera très énergiquement, et, sous leur influence, recevra une illumination très éclatante ; mais si on essaie de l’éclairer avec les autres couleurs simples, qu’elles soient jaunes, ou bleues, ou vertes, on la verra demeurer très sombre, et ne renvoyer que des proportions minimes des lumières qu’elle aura reçues. Cet exemple n’est qu’un cas particulier d’une action générale ; nous pouvons la résumer en disant que les objets divers de la nature ont la propriété d’éteindre et de renvoyer très inégalement les rayons simples, et quand ils recevront la lumière blanche, qui est la superposition de toutes les couleurs, ils choisiront certains rayons pour les réfléchir, certains autres pour les éteindre, et nous renverront non pas toute la lumière blanche, mais un mélange de diverses lumières en des proportions qui pourront varier à l’infini. Cette loi n’est que l’énoncé d’un fait observé, et ce fait résume toutes les connaissances que la physique possède sur cette matière : elle ne sait pas la cause