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III.

Napoléon n’avait que trop le sentiment des difficultés de sa situation. À la vue du grand mouvement que soulevait contre lui le nord de l’Allemagne, il ressentit un trouble profond. Évidemment il ne s’était pas attendu à un tel déchaînement de passions hostiles. Comment conjurer ces dangers qui se dressaient de toutes parts contre lui ? où trouver une digue assez forte pour contenir ces flots d’ennemis arrachés de leur lit et prêts à déborder sur ses frontières ?

Le prince de Schwarzenberg était venu reprendre possession de son poste d’ambassadeur à Paris. Le langage qu’il tenait était, comme celui de M. de Metternich, doux, empressé et amical. Il prêchait la modération et la paix ; il proposait la médiation de sa cour, sans oser la qualifier encore de médiation armée. En même temps il pressait le duc de Bassano de lui faire connaître les conditions précises sur lesquelles Napoléon entendait traiter ; il demandait si l’intention de l’empereur serait de restituer les villes anséatiques, de rétablir l’indépendance de la Hollande, de renoncer à la création du grand-duché de Varsovie ? l’empereur était peu disposé à traiter en ce moment. Son orgueil répugnait à négocier sous le coup des désastres qui avaient terni l’éclat de ses armes. Il fallait que d’abord il reparût puissant sur les champs de bataille, et effaçât par de nouvelles victoires l’impression produite par de récens revers. Puis il se défiait des intentions de l’Autriche ; dans son langage, cette puissance restait toujours une alliée dévouée, quand déjà depuis longtemps elle ne l’était plus dans ses actes. La retraite du corps auxiliaire sur Cracovie et les armemens considérables qu’elle entreprenait chez elle avaient éveillé à Paris de légitimes soupçons, et Napoléon ne croyait pas devoir livrer à une puissance qui présentait dans sa conduite tant de contradictions le secret des sacrifices qu’il ferait plus tard pour obtenir la paix. D’ailleurs ces sacrifices dépendraient des circonstances et du caractère qu’aurait la pacification. Serait-elle générale ? serait-elle simplement continentale ? C’étaient là des hypothèses qui comportaient des solutions très différentes. Les sacrifices que l’empereur serait disposé à faire à la paix générale, il ne les ferait certainement pas à une simple paix continentale. En tout cas, le moment des explications décisives n’était point venu : il s’agissait aujourd’hui, non de négocier, mais de combattre. S’il était vrai que l’Autriche fût aussi sincèrement dévouée à nos intérêts qu’elle persistait à nous le dire, l’occasion allait se présenter pour elle de nous le témoigner. La campagne ne pouvait tarder à s’ouvrir ; qu’elle resserrât les nœuds qui l’unissaient à nous, que l’Autriche consentît à nous garantir la coopération loyale et énergique de ses armées, et Napoléon lui assure-