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pacifique avec plus d’art que de sincérité. Il disait au duc de Vicence que, jusqu’au dernier jour, rien ne serait désespéré, que ce jour-là seulement, qui serait le 10, l’Autriche saurait le dernier mot de l’empereur Napoléon. « Je vous donne ma parole, ajoutait-il, que nous arriverons à ce dernier jour sans que nous ayons le moindre engagement avec personne, et que nous sachions contre qui nous nous battrons. Nous désirons extrêmement que ce ne soit pas contre vous, mais nous avons bien de la peine à l’espérer. Ce qui est impossible, c’est que nous restions neutres : tout serait perdu, considération et sûreté, si nous laissions les alliés continuer seuls la guerre ; sans aucun doute, ils seraient battus, et bientôt après ce serait notre tour, et nous l’aurions bien mérité. Quant à moi personnellement, je me suis placé dans l’impossibilité, sous peine d’être un objet d’horreur et de mépris pour tout mon pays, de signer une paix qui ne serait pas honorable. » M. de Metternich terminait toujours par cette réflexion que le terme fatal approchait, que, passé le 10 août, si la paix n’était pas signée, la mission de l’Autriche comme puissance médiatrice serait terminée, qu’il n’y avait donc pas un instant à perdre, et que si l’on voulait sérieusement la paix, il fallait procéder de la seule manière praticable, c’est-à-dire comme on avait fait à Teschen.

Le 4 août, ne recevant aucune communication de notre part, il dit au duc de Vicence, avec toutes les apparences d’un homme désolé, qu’évidemment c’était un parti pris de notre côté de ne point faire la paix, et que c’était nous qui repoussions tous les moyens de rapprochement consacrés par l’usage. Le 5 août, même silence de notre part. M. de Metternich dit à M. de Caulaincourt : « Il ne peut plus y avoir de doute sur les dispositions de votre souverain. L’empereur Napoléon n’a voulu que gagner du temps. L’armistice est tout à son avantage ; il est préjudiciable aux alliés. Ils veulent sincèrement la paix, et une paix modérée ; elle serait faite, si l’empereur votre maître l’avait voulu. Vraisemblablement il est trop tard maintenant. »

M. de Bassano envoyait ponctuellement à l’empereur tous les renseignemens qui lui étaient transmis de Prague par nos plénipotentiaires. Le 31 juillet, il lui écrivait : « M. de Metternich a déclaré au duc de Vicence et à M. de Narbonne que le 10 août était un terme définitif, passé lequel, si les bases de la paix n’étaient point posées, la guerre recommencerait ; que l’Autriche ne resterait pas neutre, qu’elle était préparée à la guerre, qu’elle en prévoyait toutes les chances, et qu’elle croyait pouvoir la faire avec avantage. Il a dit cela sans jactance, sans prendre le ton de la menace ; mais tout portait le caractère d’un parti irrévocablement pris. »

Les lettres du duc de Vicence et de M. de Narbonne n’étaient point