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qui lui furent remises le 21 sont un document historique des plus précieux. Les plénipotentiaires français devaient d’abord demander la base de l’uti possidetis ante bellum, puis procéder d’après ce principe que l’Autriche, en qualité de médiatrice, ne devait rien demander, ni rien obtenir. « L’intention de l’empereur Napoléon, disait M. de Bassano, est de négocier avec la Russie une paix glorieuse pour cette puissance, une paix qui fera expier à l’Autriche, par la perte de son influence en Europe, sa mauvaise foi et la faute qu’elle a commise en violant l’alliance de 1812, et en ramenant ainsi l’une vers l’autre la France et la Russie. L’empereur entend constituer un état de choses qui lui permette de n’avoir rien à démêler un jour avec la Russie. Si la Russie obtient une paix avantageuse, elle l’aura achetée par la dévastation de ses provinces, par la perte de sa capitale, et par deux années de guerre terrible, fléau dont elle se ressentira longtemps. L’Autriche au contraire n’a fait aucun sacrifice, et n’a rien mérité. Si elle tirait quelque profit de ses intrigues actuelles, elle en ourdirait d’autres pour obtenir de nouveaux avantages. Les objets de ses prétentions sur la France sont infinis. Une concession qui M serait faite l’encouragerait à en exiger une nouvelle. Il est donc de l’intérêt de la France qu’elle ne gagne pas un village. Telle devra être la règle de conduite des plénipotentiaires français dans les négociations qui vont s’ouvrir règle toutefois subordonnée à l’intérêt supérieur d’obtenir une paix honorable. » : -

Ces terribles instructions remplirent de douleur M. de Caulainourt. Le 26, avant de partir, il écrivit à l’empereur qu’il considérait comme illusoires les négociations qui allaient s’ouvrir à Prague, que les instructions qui venaient de lui être remises étaient tellement différentes des arrangemens auxquels sa majesté avait paru consentir qu’il était prêt à renoncer à sa mission. « Je ne veux pas, dit-il, prendre le parti de l’Autriche, ni récompenser son abandon dans nos revers ; mais cette puissance est trop compromise pour qu’il lui soit désormais possible de reculer, si la paix du continent ne la rassure pas. Ce ne sont pas même ses 150,000 baïonnettes que je veux écarter du champ de bataille, quoique 150,000 ennemis de plus comptent bien pour quelque chose ; ce qui m’alarme par-dessus tout, c’est le soulèvement de l’Allemagne, que peut produire le vieil ascendant de cette puissance, et que je supplie votre majesté d’éviter à tout prix. Tous les sacrifices faits à une prompte paix vous rendront plus puissant, sire, que ne l’ont fait vos victoires, et vous serez l’idole des peuples, dont la prolongation de la lutte ne pourrait qu’accroître le mécontentement, puisqu’elle prolongerait leurs inquiétudes. »

À peine M. de Caulaincourt eut-il mis le pied à Prague, qu’il comprit que la situation était à peu près désespérée. Il écrivit le 28 au