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regrettait de ne pouvoir l’admettre à son quartier-général, et l’invitait à lui faire, par l’entremise du cabinet autrichien, la communication dont il était chargé. Cette voie, lui disait-il, était la seule par laquelle il lui fût possible désormais de recevoir des communications de la France. À cette lettre officielle en était jointe une autre personnelle, datée du 21 au soir, par laquelle M. de Nesselrode s’excusait de n’avoir pu adresser plus tôt sa réponse au duc de licence, le combat étant déjà engagé le 20, au moment où il allait la lui expédier. M. de Caulaincourt transmit immédiatement les deux lettres à son souverain et demanda de nouveaux ordres. Napoléon lui enjoignit d’insister pour être admis : le duc fît le 26 une seconde tentative ; mais elle fut aussi infructueuse que l’avait été la première. Une telle persistance à refuser de recevoir notre envoyé était un fâcheux symptôme.

Avant la bataille de Bautzen, Napoléon avait loyalement exprimé au comte de Bubna le vœu que l’on pût conclure un armistice et ouvrir des négociations. Aussitôt après la bataille, l’Autriche, avec une dextérité qui nous devint fatale, entra brusquement en scène, fit connaître aux souverains alliés le vœu de l’empereur des Français, et le 22 mai le comte de Stadion informa le major-général que l’empereur de Russie et le roi de Prusse étaient disposés à négocier une suspension d’armes et à réunir un congrès sous la médiation de l’empereur d’Autriche. Ainsi la négociation d’un armistice et la réunion d’un congrès se présentaient aujourd’hui concurremment avec l’offre de la médiation armée de l’Autriche. De toutes les combinaisons, il ne pouvait s’en trouver une d’un caractère plus insidieux et d’une portée plus dangereuse pour nos intérêts que celle imaginée par M. de Metternich. Les questions étaient posées dans des termes tels qu’il n’y avait pas à songer à les disjoindre : il fallait tout accepter ou tout refuser à la fois et prendre un parti immédiatement.

Les alliés étaient sortis meurtris et très affaiblis du choc de Bautzen. L’armée russe surtout était en proie à une véritable dissolution, due autant à l’incapacité administrative de son général en chef qu’à l’échec qu’elle venait d’essuyer. Le comte de Wittgenstein avait laissé dépérir tous les services, et il en était résulté une mortalité effrayante et un grand découragement parmi ses troupes. Les souverains l’accusaient en outre d’avoir négligé les avis qui lui avaient été transmis, avant la dernière bataille, sur la marche et la force de la colonne du maréchal Ney, de n’avoir donné à Barclay de Tolly, chargé de l’arrêter, qu’un corps de troupes insuffisant, et d’avoir ainsi, par son incurie, compromis le sort de l’armée. L’empereur Alexandre lui enleva le commandement, et fit un acte de réparation et de haute justice en le rendant à l’ancien ministre de la guerre, au général