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déjà ulcéré de l’empereur Napoléon qui s’adressait au souverain qui lui avait confié le bonheur de sa fille.

« Ce que votre majesté me dit dans sa lettre sur l’intérêt qu’elle me porte m’a touché vivement. Je le mérite de sa part par les sentimens si vrais que je lui porte. Si votre majesté prend quelque intérêt à mon bonheur, qu’elle soigne mon honneur ! Je suis décidé à mourir s’il le faut à la tête de tout ce que la France a d’hommes généreux plutôt que de devenir la risée des Anglais et de faire triompher mes ennemis. Que votre majesté songe à l’avenir ! Qu’elle ne détruise pas le fruit de trois ans d’amitié et ne renouvelle pas des haines passées qui précipiteraient l’Europe dans des convulsions et des guerres dont l’issue serait interminable ! Qu’elle ne sacrifie pas à de misérables considérations le bonheur de notre génération, celui de sa vie et le véritable intérêt de ses sujets, pourquoi ne dirais-je pas d’une partie de sa famille qui lui est si vivement attachée ? Que votre majesté ne doute jamais de tout mon attachement !

« De votre majesté le bon frère et gendre,

« NAPOLEON. »


Il était de la plus haute importance que le langage de notre ambassadeur à Vienne fût conforme à celui que l’empereur Napoléon venait de tenir à M. de Bubna, et qu’en ce qui touchait la médiation il ne dît pas un mot qui pût être interprété comme une concession prématurée. « Sa majesté a vu M. de Bubna, écrivit le duc de Vicence au comte de Narbonne en date du 18 mai ; ce négociateur a été on ne peut plus mielleux et cajoleur. Il a dit que l’Autriche était prête à nous donner 200,000 hommes au lieu de 30,000. L’empereur ne peut reconnaître aucune médiation armée ; il faut que l’Autriche s’explique. Que veut-elle ? Quand le traité d’alliance existait, on aurait pu s’entendre ; nous aurions admis l’intervention de l’Autriche, aujourd’hui nous ne pouvons admettre de médiation armée. Avec les 200,000 hommes que nous avons à Vérone et à Mayence, certes l’Autriche serait folle de nous attaquer. Cependant l’empereur désire éviter une rupture, il désirerait surtout sa coopération ; mais il faut qu’elle s’explique. Que veut-elle ? » M. de Narbonne, avec une louable franchise, écrivit le 19 que « certainement l’Autriche n’aurait rien de plus pressé que de nous déclarer la guerre dès que le moment serait venu, qu’elle poussait ses armemens avec une véritable furie, et qu’il fallait désespérer de l’avoir pour alliée. »

Jusqu’au 15 mai, l’empereur avait ignoré la direction qu’avaient prise les armées russe et prussienne. Le 13, il écrivait au major-général : « Faites connaître au prince de la Moskowa que mon intention est qu’il se porte avec ses cinq divisions sur Luckau, qu’il donne l’ordre au duc de Bellune d’être rendu entre Witteriberg et Luckau en menaçant Berlin, qu’il place le 7e corps entre Luckau et le duc de Bellune. » Ce même jour 13, il écrivait encore : « Il faut que je sache