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de bivouaquer, pendant les journées du 3 et du 4 mai, sur le champ de bataille de Lutzen. À ces divisions il réunit le corps de Lauriston, qui était à Leipzig, celui du duc de Bellune (2e), qui opérait du côté du Bas-Elbe, celui de Régnier (7e), qui venait de Halle, les 4,000 chevaux du général Sébastiani : de tous ces corps il forma une seule masse de 80 à 90,000 hommes, en confia le commandement au maréchal Ney, et lui prescrivit de se porter sur la route de Berlin vers Luckau, sans trop s’y engager toutefois, et en ayant soin de se maintenir en communication avec le gros de l’armée.

Cependant les alliés se repliaient rapidement sur Dresde. L’empereur brûlait de les atteindre au passage de l’un des nombreux affluens de l’Elbe. Dans cette intention, il pressait de toutes ses forces la marche de ses colonnes, ordonnait aux chefs de corps de faire huit lieues par jour, et réprimandait ceux dont les lenteurs dérangeaient ses combinaisons ; mais l’absence de cavalerie l’empêcha de prévenir l’ennemi au passage de la Mulde et des autres rivières qui se jettent dans le fleuve. Les alliés, au contraire, en avaient une aussi nombreuse que solide. À Elsdorf, à Nossen, à Wilsdruf, elle nous contint et couvrit l’arrière-garde des Prussiens et des Russes, qui repassèrent l’Elbe, les Prussiens à Meissen le 7 mai, les Russes à Dresde également le 7. Nos têtes de colonnes arrivèrent le 8 sous les murs de cette capitale, et prirent possession de la vieille ville au moment où les souverains alliés venaient d’en sortir. Napoléon s’y rendit aussitôt. Une députation se présenta pour le complimenter ; il la reçut avec un front sévère, lui reprocha les sentimens répulsifs que ses habitans avaient naguère manifestés contre les Français, et ajouta qu’il pardonnerait, si la ville envoyait sans retard au roi une députation pour le supplier de revenir dans sa capitale. L’empereur informa immédiatement le maréchal Ney de son arrivée à Dresde, et lui enjoignit de hâter son mouvement sur Wittenberg.

Les Russes semblaient décidés à nous disputer la ville neuve de Dresde, qui est bâtie sur la rive droite de l’Elbe ; ils avaient coupé tous les ponts, hérissé la rive de batteries, et garni de soldats toutes les fenêtres des maisons donnant sur le fleuve. Napoléon arrêta toutes les dispositions que lui suggéra la prudence. Il fit jeter un pont entre la ville et le village de Prietwitz, et, lorsqu’il fut achevé, il se préparait à effectuer le passage, protégé par 80 pièces de la garde. Déjà deux bataillons avaient atteint la rive opposée, lorsqu’une crue subite du fleuve emporta l’ouvrage de nos ingénieurs. Nos troupes frémissantes ne se laissent point arrêter par cet accident : le grand pont de la ville est coupé, des échelles sont jetées entre les deux piles de l’arche rompue. À l’aide de ce moyen nouveau, nos soldats descendent, puis remontent sur la partie du pont qui débouche sur Neustadt. Tandis que les uns s’avancent intrépidement