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3e corps et de la garde impériale. Notre position était très périlleuse ; l’empereur attendait avec une impatience fiévreuse l’arrivée du vice-roi et de Macdonald ; ils paraissent, et à leur vue Napoléon ne doute plus de la victoire. Il oppose aux escadrons ennemis tout ce qu’il a de cavalerie, environ 4,000 chevaux, aux batteries russes 70 pièces de la garde sous les ordres de Drouot, aux grenadiers russes les divisions du 11e corps. Le vice-roi, Macdonald, tous se précipitent sur les masses ennemies accumulées devant Eisdorf, et les remplissent instantanément de surprise et d’épouvante. L’ardeur des troupes est telle que les hommes frappés dans les rangs ne trouvent point de soldats qui consentent à quitter le champ de bataille pour les conduire aux ambulances[1]. Tous semblent comprendre qu’il y va du salut de l’armée, et qu’à eux est réservé l’honneur de gagner la victoire. Tandis que les divisions Gérard, Fressinet et Charpentier se couvrent de gloire, les batteries de la garde, habilement disposées, prennent en écharpe et foudroient les colonnes ennemies, qui reculent et nous abandonnent Eisdorf. Grâce à l’ardeur héroïque que venaient de montrer les troupes du vice-roi, la victoire était gagnée. Repoussée sur la droite par le 11e corps, écrasée au centre par les efforts réunis des divisions du maréchal Ney, de la vieille et de la jeune garde, contenue sur la gauche par la ferme attitude des soldats de Compans, menacée enfin par Bertrand, qui venait d’entrer en ligne, l’armée des alliés abandonna le champ dei bataille, et se retira derrière l’Elster.

La nuit ne mit pas fin à cette sanglante lutte. Napoléon, mécontent de n’avoir pour trophées que les décombres de trois villages, venait d’ordonner au général Lefebvre-Desnouettes de fondre, avec toute la cavalerie (environ 4,000 chevaux) sur l’arrière-garde ennemie, et de lui ramener des prisonniers. Déjà il s’élançait lorsqu’un bruit sourd et prolongé se fit entendre ; c’était la cavalerie ennemie qui avait conçu l’espoir de nous surprendre au milieu de la confusion inséparable d’un campement de nuit, et qui venait fondre sur celles de nos divisions les plus rapprochées de l’Elster. L’irruption des hulans occasionna du désordre dans nos premiers pelotons, mais bientôt ils se remirent ; chacun courut aux armes et fit son devoir. Nos divisions se formèrent en carrés, tuèrent à bout portant un grand nombre de cavaliers ennemis, en précipitèrent une foule d’autres dans un fossé qu’ils avaient dû franchir pour arriver sur nous, et ôtèrent à Blücher l’envie de renouveler ses attaques.

Lauriston, avec le 5e corps, n’avait point bougé de Leipzig. La canonnade dont les échos retentissaient au loin lui disait assez cependant quelle terrible bataille se livrait dans les champs de Lutzen. Bue vigoureuse et opportune démonstration de sa part sur les derrières

  1. Rapport du chef d’état-major du 11e corps. (Dépôt de la guerre.)