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qu’elles couvrent de leurs feux. C’était l’armée ennemie, au nombre de plus de 120,000 hommes, dont 30,000 de cavalerie, qui démasquait son mouvement et venait fondre non sur notre aile droite, mais sur nos corps du centre, qui n’avaient pas encore bougé. L’irruption prématurée des alliés nous sauva. Si elle s’était faite trois heures plus tard et sur la queue de la grande colonne, leur plan eût certainement réussi. Les cinq divisions du maréchal Ney, réunies aux deux de Marmont, dont la tête se montrait à Poserna, présentant un effectif de 70 à 80,000 hommes, suffisaient pour résister au premier choc des alliés et donner à la garde et au 11e corps, qui formaient notre aile gauche, au 4e, qui faisait notre aile droite, le temps d’accourir et d’entrer en ligne.

Wittgenstein, manœuvrant par sa droite, dirigea ses masses principales sur les villages de Kaya, de Gross et de Klein-Gœrschen, occupés par les divisions Souham, Girard et Brenier. Son but était de déborder la gauche de ces divisions, de les couper de Lutzen, de la garde, du 11e et du 5e corps, et de les envelopper. Ces divisions étaient si peu préparées au combat, et l’irruption de l’ennemi avait été si brusque, qu’elles n’avaient pas eu le temps de se préparer à repousser l’attaque. Elles plièrent, évacuèrent les villages, et furent, un instant coupées de Lutzen. La division Marchand du 3e corps, qui, fut dirigée sur Elsdorf, arriva fort à propos pour arrêter sur ce point les progrès des alliés.

Sur leur gauche, ils réunirent de fortes masses de cavalerie et tentèrent un mouvement analogue à celui qu’ils venaient d’opérer sur leur droite. Déjà les nombreux escadrons de Wintzingerode et de Dolfs se déployaient dans la plaine et menaçaient sérieusement le flanc droit des divisions du 3e corps, lorsque le duc de Raguse entra en ligne, prolongea notre droite, et arrêta court les escadrons ennemis. En vain ils essaient, par des charges impétueuses et répétées, d’enfoncer nos carrés. Il y avait là réunis tous les vieux soldats de Compans et de Bonnet : avec un courage froid, inébranlable, ils reçoivent à bout portant ces attaques successives, et tous les efforts de la cavalerie russe et prussienne viennent se briser contre ces remparts de fer.

Cependant le maréchal Ney, qui était auprès de l’empereur au moment où les alliés avaient ouvert leurs feux, retourne, le cœur plein d’anxiété, vers ses divisions rompues ; il les rallie, ranime du geste et de la voix tous les courages, et se précipite sur les villages. De son côté, Napoléon envoie au maréchal Soult l’ordre suivant écrit au crayon : la garde au feu, appelle à lui le vice-roi, Macdonald, le 11e corps, puis il vole de sa personne sur les points, menacés. Au moment où il y arriva, les divisions Souham, Girard, et Brenier, qui avaient un instant repris Kaya, Gross et Klein-Gœrschen,