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tout ce qu’il y avait de meilleur, de plus instruit, de plus vigoureux parmi les 400,000 hommes qu’il venait d’organiser. De tous ces élémens si divers, il avait composé une armée de choix, bien supérieure en qualité à l’armée beaucoup plus nombreuse avec laquelle il entreprit plus tard la seconde et désastreuse campagne de Saxe.

Avant de partir pour se rendre au milieu de son armée, l’empereur institua l’impératrice régente, et lui laissa pour conseil le plus expérimenté et le plus sage de ses ministres, l’archi-chancelier prince Cambacérès. Le 15 avril, il quitta Saint-Cloud et arriva le 17 à Mayence. L’un de ses premiers actes fut de confier au prince d’Eckmühl la tâche de retenir dans la soumission les populations des bouches du Weser et de l’Elbe et de reprendre Hambourg, et à cet effet il mit sous ses ordres la totalité des forces du général Vandamme. Il reçut bientôt de graves nouvelles du prince Poniatowski. Le général Frimont avait informé le prince que, le général Sacken ayant dénoncé l’armistice, le corps auxiliaire autrichien allait se retirer en Galicie, et il l’avait invité à prendre la même direction ; puis il avait ajouté que si les Polonais et les Saxons traversaient la Galicie en corps d’armée et sur le pied de guerre, le général Sacken serait autorisé à les y poursuivre, que son gouvernement désirait éviter cette complication, qu’en conséquence ils devraient se dessaisir de leurs armes, les placer sur des chariots, et qu’on leur faciliterait les moyens de rejoindre le plus vite possible, sur l’Elbe, l’armée française. À la lecture de cette dépêche, le prince Poniatowski s’était indigné que l’Autriche, non contente de nous abandonner, osât infliger aux troupes polonaises et saxonnes l’humiliante condition d’un désarmement. Il avait répondu qu’il ne s’y soumettrait qu’après y avoir été formellement autorisé par l’empereur Napoléon, et il avait supplié le général Frimont de suspendre son mouvement de retraite jusqu’au 30 avril.

Napoléon ressentit amèrement l’humiliation que l’Autriche prétendait infliger à ses aigles. Le 20 avril, il écrivit au prince Berthier : « Dans aucun cas, le prince Poniatowski ne doit poser les armes ; on est déshonoré dès qu’on se rend sans combat. Le major-général préviendra M. de Narbonne que l’empereur préfère la mort des 15,000 hommes qui sont à Cracovie plutôt que de les voir poser les armes. Sa majesté ne fait aucun cas de la vie d’hommes qui se seraient déshonorés. Le major-général préviendra le comte de Narbonne de ne rien dire qui puisse déplaire à la cour de Vienne. L’empereur est sûr d’elle : il ne faut point la faire rougir de la proposition qu’elle a faite au prince Poniatowski de poser les armes. »

Ces ordres arrivèrent trop tard pour être exécutés. Serré de près par les Russes de Sacken, n’ayant aucune ressource pour faire vivre son infanterie et sa cavalerie, Poniatowski fut réduit à signer une